Balançoire et Wi-Fi 7, la scénographie du concert d’Oklou

La Cigale (Paris) célébrait, en ce début du mois de mars, la sortie du deuxième et nouvel album d’Oklou, intitulé choke enough. Quelques jours après un concert donné à Bruxelles, près de 1 500 personnes se pressaient à l’entrée du 120 boulevard Marguerite de Rochechouart afin d’être au plus proche de la scène. Avec son immense drapé blanc, cette dernière est la très lumineuse et dernière création du scénographe Alexandre Contini qui nous partage les dispositifs techniques de cet univers magique.

Vue d’ensemble – Photo © Rémy Ebras

Comment avez-vous élaboré les grands principes scénographiques de ce nouveau concert ?

Alexandre Contini : Nous nous connaissons très bien avec Oklou. Avec mon ancienne binôme, Juliette Gelli, nous avions construit la scénographie de son précédent concert, Galore. Dès la fin de l’écriture de ce dernier album, nous commencions à évoquer la nouvelle tournée, et très vite Oklou m’a dit qu’elle souhaitait un univers très simple, composé de très peu d’éléments scénographiques, l’opposé de ce que nous avions fait lors de première tournée, Galore, qui était une scène très narrative avec une vidéo de près de 1 h 30 avec des arbres prenant feu et beaucoup de fumée. Aujourd’hui, l’univers est beaucoup plus abstrait, très simple, et se compose principalement de cet immense tissu-diffuseur blanc de chez Varia.

Croquis préparatoire de la scène de choke enough – Document © Alexandre Contini

Pourriez-vous me décrire le plateau ?

A. C. : L’idée était de refaire un fond de scène grâce à un immense tissu blanc. Ce dernier part du gril et arrive jusqu’aux praticables disposés en nez-de-scène. Nous voulions à la fois qu’il serve de support de diffusion de la vidéo, que réalise Sara Dibiza, et qu’il ait cet effet boîte blanche de photographie. Nous avons ainsi choisi un tissu diffusant afin qu’il puisse être l’écran de projection et l’écran de diffusion de la lumière. Disposés de part et d’autre des cinq praticables, Oklou et son guitariste Detente apparaissent dès lors comme deux petits personnages au sein de grands voiles immenses. Enfin, nous avons rajouté une balançoire parce qu’au cours de nos conversations, Oklou m’a fait part de son rêve de pouvoir faire de la balançoire sur scène.

Modélisation 3D de la scène de la Cigale pour la tournée choke enough – Document © Shaly Lopes

Vous avez également disposés quelques éléments techniques à vue. Je pense notamment aux projecteurs suspendus.

A. C. : Effectivement, quatre projecteurs sont à vue, des Cameo THUNDER® WASH 600 RGB qui viennent compléter la composition à trois niveaux différents au-dessus de la scène : un premier au-dessus du poste du guitariste, un second au-dessus d’Oklou, un troisième au-dessus du poste de piano et un dernier sous la balançoire. Il y a également des petits effets lumineux, comme le laser au bout de la guitare de Detente, une lumière sur la flûte d’Oklou et j’ai également disposé des LED à l’intérieur d’une des guitares acoustiques.

Plan et coupe de la scène de La Cigale pour la tournée choke enough – Document © Shaly Lopes

Comment fonctionne tout ce dispositif de petits effets ?

A. C. : Je fabrique beaucoup de choses moi-même ou alors je crée des systèmes autonomes. Ces petites lumières dispersées sont pilotées depuis la régie grâce à un système de Wi-Fi que j’ai configuré et fabriqué. La vidéoprojection fonctionne également grâce à un système de réseau parallèle à la salle, contrôlé en régie à l’aide du même ordinateur que les petits effets lumineux. Et afin de piloter cet ensemble, rien de mieux que Resolume. J’aime ce genre de dispositifs qui customisent la scénographie d’un concert de manière assez simple tout en étant autonomes sans être contraints par les organisations qui sont liées aux salles qui nous accueillent. Avec le temps, je fabrique des systèmes 100 % autonomes. La seule chose que je demande aux salles qui nous accueillent, c’est un câble RJ45 qui, de manière générale, se retrouve dans toute salle de concert. Le vidéoprojecteur, un petit Optoma ZH450ST courte-focale 4 500 lumens, fait ainsi parti du kit de scénographie en tournée qui se résume en trois bagages en soute transportable dans le monde grâce à trois techniciens.

À vos côtés en création lumière, vous étiez accompagné de Shaly Lopez. Lighting designer, il manipule très bien la technique du spectacle vivant grâce à sa maîtrise de console de type grandMA. Comment s’est passée cette collaboration ?

A. C. : Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’ai senti que nous avions des références communes, amicales et musicales, mais aussi qu’il avait envie d’aller dans la direction créative de l’équipe. Assez vite, il a trouvé son autonomie et fournit ses modélisations 3D. Il y a des effets lumineux que j’aime beaucoup comme les effets stroboscopiques, le noise, le flicker, ce genre d’effets lumineux qui clignotent et procurent un sentiment d’imperfection, où nous ne savons si la lumière est fixe ou pas. Il a dès lors composé son plan avec les éléments très simples : trois Martin Atomic 3000, une dizaine de Robe Esprite HP à la face, une dizaine de Robe Robin LEDBeam 350 dispersés au plateau et dans les cintres, et quatre découpes Robert Juliat 614SX en soutien à la face. La seule chose que nous avons mis en place ensemble est la synchronisation entre les couleurs et la vidéo. Nous ne voulions pas qu’il y ait un dépareillage de couleurs trop flagrant. Nous avons fabriqué une conduite technique qui suivait morceau par morceau les endroits où il y avait la présence de la vidéo, puis nous avons essayé de coordonner la lumière avec celle-ci. Shaly a proposé un grand gradient de couleurs pour que tous les morceaux se ressemblent les uns après les autres mais qu’il y ait différentes teintes. Le concert tourne autour du blanc principalement, mais en passant du bleu, au vert jusqu’au orange en milieu de concert avant de retrouver le blanc sans passer par les mêmes couleurs.

choke enough à Copenhague : vue de la scène – Photo © Frida Karlsson

Avant de faire de la scénographie de concert, votre parcours est assez singulier puisque vous possédez notamment des notions de robotique et d’ingénierie en télécommunication. Comment a-t-il influencé ce projet notamment ?

A. C. : Dans le cadre de ce projet, je me suis particulièrement intéressé au système du réseau Wi-Fi. L’idée était de construire un réseau Wi-Fi stable qui puisse faire fonctionner mes petits effets lumineux au plateau dont la communication s’établit grâce au réseau Wi-Fi. Le laser au bout de la guitare de Detente, c’est concrètement un micro-contrôleur qui écoute le réseau Wi-Fi. Lorsque je lui envoie l’information de s’allumer, il doit le faire sans délais. Et ce alors qu’il y a plus de 1 500 téléphones portables dans la salle qui émettent une demande d’accès au réseau Wi-Fi à tous les routeurs avoisinants, dont le mien qui est au plateau. Ces demandes d’accès font travailler les routeurs et ont fabriqué la légende disant qu’il était impossible, dans le cadre professionnel du spectacle, d’utiliser le réseau Wi-Fi afin de faire communiquer deux entités. Afin de faire fonctionner ce laser, j’ai fait un état de l’art de ce réseau et ses technologies. Le spectacle tourne donc en Wi-Fi 7, stable à 70 m environ. Je me suis rendu compte que le problème n’était pas le routeur mais tout simplement l’objet que nous essayions de connecter au routeur parce qu’il ne disposait pas de la bonne antenne. J’ai ainsi fait évoluer ce microprocesseur en rajoutant un petit module d’antenne Wi-Fi afin d’avoir une meilleure couverture. Depuis ce petit ajout, le Wi-Fi laser fonctionne de manière stable. Mes capacités en électronique et la curiosité que j’ai pour ces objets techniques ont évidemment permis de régler ce genre de micro-détail.

choke enough à Copenhague : vue de la scène – Photo © Frida Karlsson

 

La tournée choke enough continue. Oklou et son équipe reviennent en concert à Paris au Trianon ce soir, jeudi 13 mars 2025 avant de poursuivre la tournée mondiale.

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