Grand Palais Éphémère

À la croisée des nefs

Toutes les photos sont de © Mathis

Le projet s’affirme comme un modèle d’infrastructure provisoire mais néanmoins durable. Contraint par la réhabilitation du Grand Palais, la Rmn (Réunion des musées nationaux) – Grand Palais et Paris 2024, dans le cadre de l’organisation des Jeux Olympiques d’été 2024, se sont lancés dans une consultation portant sur la construction d’un bâtiment de plus 10 000 m2. Porté par le concessionnaire GL Events, les principaux attendus tenaient dans la pérennisation, la modularité et la durabilité du projet. Installé sur le plateau Joffre du Champ de Mars dès le début de l’année 2021, Grand Palais – Paris 2024 sera maintenu en exploitation jusqu’à la fin des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024.

Document © Wilmotte & Associés Architectes

Document © Wilmotte & Associés Architectes

Propos recueillis auprès de Julien Davayat (directeur technique GL Events), Louis Lafargue (chargé de projet de l’agence Wilmotte), Jean-Paul Lamoureux (Agence Lamoureux Acoustics), Marine Ponsonnet (BET/TCE Chabanne Ingénierie), Frank Mathis (PDG de la société Mathis)

Principe de la consultation

Les enjeux étaient colossaux car très peu d’opérateurs privés du secteur événementiel en Europe sont en mesure de répondre à de tels projets. La règle de consultation établie par la Rmn – Grand Palais et Paris 2024 invitait les candidats et futurs concessionnaires à se présenter avec des projets à tiroirs comportant au minimum trois architectes. Le dossier déposé par GL Events engageait dans cette compétition Dominique Perrault, Shigeru Ban et Jean-Michel Wilmotte. À l’issue d’un arbitrage sanctionnée par un jury indépendant, c’est finalement Jean-Michel Wilmotte qui fut désigné finaliste et grand lauréat du concours.

Les acteurs du projet

L’implantation au Champ de Mars s’appuie sur une concession d’occupation du domaine public. Délivrée sur proposition de la Mairie de Paris, la concession d’occupation gère le projet dans sa temporalité, avec pour date butoir la fin des Jeux Paralympiques d’été de 2024.

Rmn – Grand Palais et Paris 2024, à cet égard, se sont constitués dans un groupement d’autorités concédantes, disposition inscrite dans le Code de la commande publique. L’état et les collectivités locales ont de plus en plus recours à ce type de démarches qui permet de simplifier la contractualisation entre concessionnaires, propriétaires et exploitants. La synergie et les modalités une fois définies, il ne restait plus qu’à désigner le futur concessionnaire et à passer commande.

GL Events, qui à terme redeviendra le propriétaire de l’ensemble des installations, est en charge de la conception, de la construction, du financement et de l’organisation du devenir de l’ouvrage après son démontage.

En phase d’exploitation

GL Events agit en tant qu’opérateur de maîtrise d’œuvre. À l’issue de la consultation, Jean-Michel Wilmotte a intégré l’équipe de maîtrise d’œuvre en tant qu’architecte de conception. Durant les phases d’exploitation, GL Events cédera temporairement et successivement la propriété du bâtiment au groupement d’autorités concédantes (Rmn – Grand Palais puis Paris 2024). Outre le fait d’assurer les missions d’organisation, de pilotage et de coordination, le suivi d’exécution et l’engagement de la sous-traitance lors de la conception, GL Events conserve certaines missions durant toutes les phases opérationnelles dont la gestion de l’exploitation technique et la maintenance des installations.

Le cahier des charges prévoyait deux périodes d’exploitation distinctes avec, d’une part, l’accueil des manifestations qui habituellement auraient dû se dérouler au Grand Palais et, d’autre part, les activités liées à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques. Dans le cadre du groupement et durant la deuxième phase d’exploitation, Rmn – Grand Palais devra céder l’ouvrage à Paris 2024. Le second propriétaire se verra alors confier l’exploitation des deux bâtiments (Grand Palais Éphémère et Grand Palais), doublant ainsi les capacités d’accueil dans la cadre des manifestations sportives. Des aménagements spécifiques, comme par exemple le montage de tribunes démontables, interviendront dans le cadre des normes imposées par le Comité olympique et du cahier des charges liés au bon déroulement des pratiques sportives (la jauge prévue en configuration sportive est de 8 000 places assises). En résumé, le groupement prend en charge l’exploitation événementiel et GL Events se charge de l’exploitation technique dont la gestion des grils et équipements de levage.

Le parti pris architectural

La configuration est assez peu commune. Le dessin retenu pour la structure reprend trait pour trait le format de la parcelle concédée par la ville de Paris et épouse parfaitement la perpendiculaire formée par les deux esplanades en forme de croix. L’emplacement reçoit annuellement de nombreuses manifestations temporaires ; il présente l’avantage d’être l’un des emplacements du Champ de Mars comportant le moins de risques pour la conservation du patrimoine et le moins de contraintes environnementales. Contrairement aux riverains situés en étages, le piéton ne perçoit pratiquement pas la surface opaque de la couverture PVC. En revanche, le passant peut découvrir, au travers des parois translucides réalisées en panneaux ETEFE, la structure et les palpitations dues aux activités à l’intérieur de l’ouvrage.

– Revêtement de sol et ancrages

Le sol du Grand Palais est constitué d’une couche d’enrobé routier, désolidarisée du sol existant. C’est un revêtement aux propriétés acoustiques indéniables parfaitement adapté aux charges d’exploitation importantes et surtout bien plus facile à déposer qu’une dalle classique en béton. Frank Mathis nous raconte : “L’un des gros défis de l’opération tenait au fait de s’implanter dans un sol qui est un véritable gruyère avec, dans le périmètre imparti à l’édification, les vestiges des fondations des bâtiments construits pour les précédentes expositions universelles”.

Les sondages en vue du liaisonnage entre le sol et les poteaux supports des portiques de la charpente ont débuté suite aux festivités du 14 juillet 2020. Cette étape, indispensable avant les travaux d’enfoncement des micropieux, fut orchestrée durant la période estivale. Les têtes de pieux forment ainsi des massifs reprenant les descentes de charges des poteaux métalliques. Ils sont éloignés les uns des autres à distance égale d’environ 4,50 m.

Les travaux tous corps d’état

La distribution des espaces organisés autour des deux grandes nefs devait répondre avant tout aux contraintes d’activités liées à l’événementiel, secteur d’activité où les séquences de montage et démontage s’enchaînent sans discontinuer. L’emprise du bâtiment coïncide parfaitement avec les caractéristiques dimensionnelles de la zone de construction. La capacité de stockage sur site était pratiquement nulle. Les livraisons en rotations, en particulier pour la structure, ont dû être réalisées en flux tendu. La construction préfabriquée offre de gros avantages dont une accélération du processus de travail de construction sans avoir à supporter les aléas du chantier. Une fois sortie d’usine, il ne reste plus qu’à acheminer les éléments de charpente de grande longueur par convois exceptionnels. Les étapes clés du processus de montage sont :

  • L’assemblage de la structure d’échafaudage servant d’étai au centre ;
  • La pose de la voûte croisée, assemblage de la croisée des nefs ;
  • Le prémontage au sol des portiques et levage d’un seul tenant ;
  • La pose de la toile sommitale, pignon, parois en toile ETEFE et murs rideaux de verre ;
  • La pose du complexe acoustique et les aménagements intérieurs.

Seulement huit mois auront été nécessaires pour bâtir ces 10 000 m2 couverts. Le montage a été deux fois plus rapide que la fabrication. Dès leur arrivée, les éléments préfabriqués étaient assemblés au sol, solidarisés à raison de cinq éléments par arches et fixés aux poteaux ou mâts supports. Les deux grues mobiles dressent l’assemblage d’un seul tenant, ajustant précisément la pose pour finalement être liaisonné au massif.

Économiste de la construction

Ce lieu, bien que temporaire, se devait d’être à la hauteur des différents événements reçus (défilé Chanel, Paris Photo, FIAC, Salon du Livre, Saut Hermès, …) et offrir un niveau de prestations et de confort aussi qualitatif que celui du Grand Palais. La hauteur de l’édifice fut volontairement limitée afin de ne pas nuire à son l’environnement prestigieux. Sur des projets d’une telle envergure, les ingénieries structure, énergétique, environnementale et économique sont des incontournables et c’est l’agence Chabanne Ingénierie qui a relevé ce défi. L’ensemble des installations a donc été imaginé pour être pérenne, entièrement modulable et réutilisable. Selon Chabanne Ingénierie : “Il n’était pas envisageable de concevoir un bâtiment de cette envergure pour une durée de vie de seulement quatre ans”. Marine Ponsonnet, responsable de la communication, tient à nous rappeler quelques points clés : “L’imposante charpente de bois pourra en effet être démantelée puis remontée ailleurs, dans une configuration identique ou sous d’autres formes, afin de connaître une seconde vie. L’aspect environnemental et le principe de durabilité ont été pris en compte à chaque étape du projet dans le but de répondre aux enjeux de sobriété énergétique et de réduction de l’impact carbone”.

Mathis habille le GPE

C’est un projet de prestige dans un lieu prestigieux mais qui reste néanmoins de conception assez simple au regard d’autres chantiers en cours comme la Piscine olympique de la Seine-Saint-Denis (entreprise Mathis). La construction en usine a débuté dès le mois de mars 2020. Environ 1 500 m3 de bois lamellé-collé ont été utilisés pour la réalisation des dix-huit portiques du tympan principal d’une portée de 37,50 m et des vingt-six portiques de la nef transversale d’une portée de 57,50 m, sans compter la croisée centrale. Chaque portique a été conçu par Mathis en Alsace, et préfabriqué en atelier pour assemblage et levage sur site. Cette technique permet de répondre à un double objectif de logistique et d’efficacité, en termes de temps de montage d’une part et de réduction des nuisances sonores et environnementales d’autre part. Le bois a été choisi comme matériau principal, à la fois pour son bilan carbone réduit et la souplesse offerte aussi bien dans son design que dans son assemblage. Sous cette forme, le matériau réagit très bien en compression, produit une grande capacité en charge et une très bonne tenue dans la durée. Frank Mathis nous explique : “Jean-Michel Wilmotte et ses architectes ont travaillé en étroite collaboration avec les ingénieurs du cabinet Chabanne sur la base d’une étude préalable de la structure pour laquelle nous avons été consultés. Les bois, provenant d’Europe du nord, sont découpés et façonnés dans notre usine strasbourgeoise. Ces essences exigent des délais de livraison très longs car la filière bois française n’est pas encore structurée pour des volumes importants”. Il se compose de lames d’épicéa BSH GL24 et GL48 pour la charpente. Les planchers sont conçus à partir de panneaux multicouches en CLT (Cross laminated timber) sous l’appellation AZURTEC®.

Échanges avec les riverains

Extrêmement méfiant au premier abord avec une quasi remise en cause de l’existence même du projet, les riverains ont pu participer librement à de nombreuses consultations. Les échanges portaient sur deux volets : la durée et la gêne occasionnée par les travaux ainsi que les nuisances pouvant être occasionnées durant les différentes phases d’exploitation. Le projet allant de l’avant, les choses se sont concrétisées et les questions posées étaient de plus en plus pertinentes, avec une bonne qualité d’écoute entre les différentes parties. Rappelons, à toutes fins utiles, que le plateau Joffre est le siège d’une série d’événements annuels en plein air. Dorénavant, ces manifestations prennent place à couvert sous la nouvelle structure. Contre toute attente et en comparaison avec les années précédentes, les riverains semblent constater, depuis l’ouverture, une nette diminution de la gêne occasionnée.

La conception même des accès du Grand Palais Éphémère participe à cet objectif. Les deux grandes portes situées de part et d’autre de la statue du maréchal Joffre donnent accès, au travers du sas de livraison, à un grand espace logistique. Ce dernier, doté d’aires de déchargement en boucle, est suffisamment dimensionné pour assurer le stationnement et la giration des véhicules sans devoir manœuvrer à l’extérieur. Reste à surveiller et à contrôler en cours d’exploitation les niveaux d’émergence en direction du voisinage. Les désagréments liés à la sortie du public et visant à limiter l’impact des after show restent à la charge de l’exploitant et de l’organisateur mais demeurent une mission de service public réservée à l’autorité de police.

Performances acoustiques unanimes

L’inscription architecturale d’un tel volume dans un site aussi prestigieux ne pouvait supporter la moindre approximation. Les dossiers et la communication se devaient d’être particulièrement bien léchés. En premier lieu, tous les acteurs s‘attendaient à ce que les associations de riverains soient fortement mobilisées, les nuisances sonores faisant partie des premières préoccupations. L’heure n’était plus aux tergiversations mais bien au réalisme. La mairie du 7e arrondissement de Paris avait bien rappelé qu’il était hors de question de se retrouver avec une structure en toile au milieu du Champ de Mars.

– Principe général

La construction devait garantir une exploitation sans occasionner la moindre émergence de niveaux sonores sur le voisinage. Il n’y a donc rien d’étonnant qu’un des principaux attendus du programme d’origine porte sur un bâtiment rigide, isolé sur des critères généralement requis pour la construction d’une salle de spectacle. La plage horaire en exploitation prévoit la fermeture des portes et l’évacuation des participants à plus tard à 2 h du matin, y compris pendant la période d’exploitation des JO 2024 avec l’accueil d’éventuelles fan zones. Tenant compte de la situation géographique de l’esplanade située dans Paris intramuros, la valeur limite acceptable à l’intérieur du bâtiment est estimée entre 95 dB A et 100 dB A au maximum (cette limite devant produire une émergence de niveau sonore à l’extérieure en direction du voisinage contenue entre 40 dB A à 42 dB A au maximum). La distance d’éloignement, les parois et la toiture se devaient de produire une atténuation très performante.

– Acoustique interne

La signature acoustique est bluffante. Salle vide, le temps de réverbération sur la plage de fréquences médium/fonction du volume, soit 120 000 m3, passe sous la barre des deux secondes, pouvant même atteindre par endroit 1,60 s et 1,80 s. Nombre de visiteurs en cours d’exploitation ont été surpris d’arriver à tenir une conversation dans les allées et sur les stands exposants sans avoir à forcer la voix. La configuration actuelle, plus particulièrement destinée à recevoir des expositions et manifestations sportives, produit en exploitation des résultats très satisfaisants. Les tests ont été réalisés avec de la diffusion de programme de musiques amplifiées jusqu’à 94 dB A comprenant un niveau raisonnable aux basses fréquences. Les mesures d’isolement montrent la très bonne tenue des parois sans occasionner la moindre gêne sur le voisinage. En revanche, rien ne prévoit la diffusion de musiques amplifiées à fort niveau de pression acoustique. Les parois seraient, dans ce dernier cas de figure, dans l’incapacité de faire barrage aux très basses fréquences, surtout pour celles situées dans une plage inférieure à 63 Hz.

Construit pour durer

À l’issue des Jeux Paralympiques d’été 2024, GL Events devient de nouveau propriétaire des installations et devra gérer le démontage, le stockage et l’utilisation future du Grand Palais Éphémère. À ce stade, aucune option n’est écartée et plusieurs scénarios sont envisagés. La conception du bâtiment permet de moduler la réutilisation de l’ouvrage. Les portiques sont pratiquement tous identiques même si les deux travées sont de dimensions différentes. Les futurs acquéreurs ne retiendront pas forcement le complexe acoustique. Des discussions sont engagées avec des collectivités et des clubs de sport qui semblent être intéressés par la couverture de leurs terrains de sport. Le carré central pourrait très bien convenir, par exemple, à un marché couvert ou un théâtre élisabéthain. GL Events étant concessionnaire de nombreux parcs d’exposition ne devrait pas avoir trop de difficulté à proposer des extensions temporaires aux exploitants.

 

  • ERP Établissement couvert de type X – Y – T – N – L
  • Activités secondaires : type M – P – CTS
  • Superficie : 10 000 m2
  • Emprise : 148 m x 139 m
  • Dimensions :
    • Longueur nef principale : 145 m
    • Longueur nef secondaire : 140 m
    • 44 arches ou portiques d’une portée de 51 m et 33 m
    • Hauteur du bâtiment : 20 m
    • Hauteur sous voûte intérieure : 16,50 m
  • Coûts des travaux HT : 40 M€

 

  • Groupement d’autorités concédantes(1) : RmnGrand Palais(2) et Paris 2024(3)
  • Maître d’ouvrage, concessionnaire, conception, construction, opérateur de maîtrise d’œuvre, coordinateur, exploitation et maintenance technique, mandataire : GL Events
  • Architecte de conception : Wilmotte & Associés
  • BET acoustique : Lamoureux Acoustics
  • Lots principaux :
    • Charpente : Mathis (constructeur, installateur)
    • Couverture : Iaso (fourniture, fabrication et pose)
    • Complexe acoustique, panneaux isolants : Sodimav (fourniture et pose)
    • Complexe acoustique, toile de finition intérieure : Swal (fabrication et pose)
    • Murs rideaux verre : Mtechbuild (fabrication et pose)
  • BET TCE, économiste de la construction : Chabanne Ingénierie
  • Disciplines olympiques pressenties : judo, lutte, rugby fauteuil et para judo

Dates clés :

  • 29 mars 2018 : déclaration d’intérêt de la Rmn – Grand Palais et de Paris 2024
  • 20 juillet 2018 : lancement de l’appel à projets
  • Septembre 2019 : désignation du concessionnaire
  • Mars 2020 : lancement de la construction en usine
  • Été 2020 : démarrage des travaux sur site
  • Printemps 202 : début de l’exploitation
  • Septembre 2024 : fin de l’exploitation
  • Octobre 2024 : démontage, dépose, transport, stockage

 

Notes

(1)   Code de commande publique – Article L3112-1 : des groupements peuvent être constitués entre des autorités concédantes […] et une ou plusieurs personnes morales de droit privé […] afin de passer conjointement un ou plusieurs contrats de concession / Technique de mutualisation / Principal intérêt : la réalisation d’économies d’échelle et la réduction des dépenses résultant des procédures de commande publique

(2)   Rmn (Réunion des musées nationaux) – Grand Palais est un opérateur culturel dont la mission est de favoriser l’accès à la Culture sur l’ensemble du territoire national et au-delà

(3)   Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2024

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