Auditorium Maurice Ravel
Toutes les photos sont de © Patrice Morel
Cet espace de diffusion de musique classique s’intègre parfaitement dans une topographie industrielle située entre fer et mer. L’espace, à la fois graphique et lumineux, propose une acoustique continue particulièrement vivante. Un des points forts tient à l’intégration de nombreuses passerelles numériques de dernière génération, un maillage audiovisuel particulièrement efficace reliant astucieusement les différents pôles d’activité du CRI (Conservatoire à rayonnement intercommunal).
Tour d’horizon
Cet établissement regroupe plusieurs pôles d’activités dont un auditorium classique de 2e catégorie du type L, salle d’audition et salle de spectacle. L’espace propose une configuration frontale à volume unique sans cadre de scène. Aucun dispositif de machinerie n’ayant été requis, les projecteurs et autres équipements scéniques prennent place sur une série de porteuses doubles fixes, implantées à des altimétries variables, établies entre 6,16 m pour la plus basse et 7,82 m pour la plus haute. Les locaux techniques ne comportent aucun gradateur d’éclairage scénique ; les futures préconisations en matériel d’éclairage devront s’inscrire dans une démarche écoresponsable. Néanmoins, une prise d’alimentation 32 A implantée côté cour autorise, le cas échéant, l’utilisation d’un équipement temporaire ad hoc. Les régies sont installées dans l’axe au niveau du parterre haut. La pente de salle est obtenue à partir d’un gradin en béton intégrant un plenum de soufflage. L’emmarchement est équipé d’assises fixes et de bouches de soufflage au sol à très faible débit. Les trois premières rangées de fauteuils s’intègrent discrètement en fosse. La hauteur de scène s’établie à 0,95 m, côte liée au décaissement arrivant en limite du nez-de-scène. Le plateau – totalement ouvert sur l’auditoire – s’étend de mur à mur sur une largeur de 20,30 m pour une profondeur maximale, mesurée à l’axe, de 8,81 m.
Maîtrise d’usage aux multiples facettes
Jean-Jacques Fabre est actuellement en poste au CRI en tant que régisseur général. Il a, entre autres, la charge de la gestion technique et de l’accueil des utilisateurs au sein de l’auditorium du Conservatoire. Il n’a pas participé directement ni à la rédaction du cahier des charges ni aux décisions qui ont permis d’arrêter les différentes orientations du projet ; il a cependant réussi à suivre, au fur et à mesure, toutes les étapes de la construction à la livraison. Il précise ne pas avoir hésité une seconde : “C’est un projet passionnant, une page blanche où il m’a semblé possible d’apporter mon expérience acquise au cours de ses trente-six dernières années et ce dans différents lieux de diffusion dont le Théâtre de Sète”. Il tente au quotidien de faire évoluer le projet dans la durée et nous rappelle brièvement que “les activités et les pratiques des apprenants au sein du CRI évoluent constamment. Il est dans nos attributions de répondre favorablement aux demandes techniques croissantes liées principalement aux nouvelles pratiques musicales et tout type de projets alternatifs”. Jean-Jacques Fabre reconnaît bien volontiers avoir été entouré à la fois par une direction très à l’écoute, par une équipe d’aide à la maîtrise d’ouvrage et un acousticien qui lui auront permis de s’investir pleinement dans ses fonctions.
Mission préalable d’aide à la MOA
Propos recueillis auprès de François Barthélémi (Atelier Peytavin)
Les contours de la mission d’AMO ont été esquissés auprès de François Barthélémi au cours d’une première rencontre. Aucun programme ne lui ayant été présenté, les choses furent formalisées de manière assez simple autour d’une table. La MOA exprima ses difficultés à répondre aux demandes précises en provenance des installateurs des lots scéniques et des futurs utilisateurs. L’absence d’une mission de scénographie au sein même de la maîtrise d’œuvre ne permettait plus de rendre des arbitrages éclairés. “La rencontre aura permis de dégager des objectifs avec, en perspective, la volonté de faire évoluer la destination de l’auditorium qui pourrait, dès lors, satisfaire à des pratiques connexes telles que la diffusion de musiques amplifiées, de formes d’expression comprenant des mises en espace et des formes théâtrales légères. Sur cet élan, nous avions prévu un complément d’équipement scénographique assez large. Nous nous éloignions clairement des prescriptions requises habituellement pour la livraison d’un auditorium classique, avec en prévision des équipes motorisées, de la variabilité acoustique, une fosse reconfigurable, des tentures de scène et la possibilité de faire le noir en salle.”
François Barthélémi conclut en nous disant qu’ils ont tenté de réécrire les choses :
- Prévoir des équipes motorisées permettant la mise en place des projecteurs et autres équipements à partir du sol ;
- Prévoir un cahier des charges pour choisir un modèle pertinent de projecteurs automatisés sur lyres ce qui, au départ, était cohérent avec l’usage de porteuses fixes ;
- Augmenter le nombre d’entrées au niveau du pupitre de mixage ;
- Renforcer le système de diffusion sonore afin de servir les formes amplifiées ;
- Prévoir des tentures et une amélioration des découvertes au niveau des entrées de scène ;
- Lancer l’idée d’un système démontable de couverture de fosse ;
- Revoir éventuellement la jauge admissible sur le plateau.
De manière assez soudaine et peut-être avec les surcoûts éventuels dus à ces nouvelles orientations, aucune de ces options n’a pu être actée par la suite. Il a été décidé de livrer un auditorium à vocation unique, réservé exclusivement à l’enseignent et à la diffusion de formes musicales acoustiques. L’impossibilité de faire le noir et le temps de réverbération requis (entre 1,4 s et 1,5 s) ne laissait aucun doute quant à la destination ciblée.
“Une équipe de maîtrise d’ouvrage peut, à tout moment, décider de changer l’orientation d’un projet mais la décision paraissait très surprenante. En effet, il est bien dans les attributions du CRI (expressément citées au sein du référentiel) de prévoir des passerelles entre les différentes pratiques allant de la musique classique aux formes d’expressions théâtrales tout en passant par la diffusion de programmes dits de musiques actuelles incluant des mises en espace et des pratiques collectives”, nous explique Guy Sbarra, ancien directeur du CRI.
François Barthélémi ajoute : “En cours de chantier, il était encore possible d’intervenir ; mais ni la MOA ni la maîtrise d’usage n’ont été suivies sur ces propositions. L’idée même d’une variabilité acoustique par l’ajout de tentures de scène n’avait reçu à ce stade aucun avis favorable. Par la suite, l’utilisateur finira par prévoir cet investissement au même titre que la réalisation du gradin d’orchestre à l’aide de praticables démontables et l’investissement parfaitement judicieux dans une série de projecteurs automatisés Robe T1 Profile (produit à faible niveau d’émission sonore)”.
Traitement acoustique interne
Propos recueillis auprès de Nicolas Albaric (Atelier Rouch)
“Des essais et mesures sont en cours afin d’évaluer l’efficacité des tentures de scène récemment mises en place ; et le moins que l’on puisse dire est que le résultat est parfaitement concluant.”
La mission portait essentiellement sur la préconisation et la rédaction de la notice acoustique conformément à la destination initialement prévue. Le marché ne prévoyait pas de mission spécifique d’accompagnement ni de suivi des entreprises sur le chantier jusqu’à la livraison. La Covid-19 est venue perturber le bon déroulement du chantier. L’exécution, les entreprises, les salariés ont joué de malchance mais ont réussi malgré tout à livrer un ensemble cohérent et fonctionnel. La volumétrie est généreuse mais reste néanmoins tributaire de la réhabilitation mémorielle de ces anciens chais. Le plafond en forme de vagues devait suivre la pente de la toiture historique, se rejoignant en deux parties sur un point bas au centre de la salle. Il reste assez haut malgré tout pour être maîtrisé. Dans une construction neuve, l’acousticien tente d’éviter de se retrouver dans une telle situation. La conception du plafond acoustique a été calculée pour pallier cette difficulté. Chaque panneau vient corriger et rétablir ce déséquilibre pour finalement offrir un rendu parfaitement homogène en salle, quel que soit le placement du chanteur ou de l’instrumentiste.
Le traitement acoustique est parfaitement continu, englobant un espace scénique sans cadre de scène. Tout a été conçu pour que des artistes, musiciens ou chanteurs puissent se produire sans rupture, en se tenant pratiquement au premier rang du gradin.
Le décor acoustique qui orne les parois verticales est le résultat d’une étroite collaboration entre l’architecte et l’acousticien, avec pour socle commun la volonté de travailler avec des éléments diffuseurs de grands formats et de tailles variables. Le rendu s’entend alors sur un spectre sonore bien plus large.
Ces formes géométriques, généralement en plâtre, entraînent une surconsommation en matériaux non négligeable. Leur dimensionnement et le façonnage sont souvent limités pour des raisons économiques sur certains projets, décisions qui rendent généralement ces diffuseurs peu efficaces aux basses fréquences. Ici, les saillies et les formes sont plus conséquentes en volumétrie. Elles participent à la signature esthétique avec de très belles variations, modèle qui produit un champ diffus exploitable pratiquement jusqu’à 250 Hz.
Le plafond est conçu à partir de panneaux réflecteurs isolés et orientés à chaque fois avec une inclinaison différente (calculée par simulation). Il produit une sorte de vibration autour de l’inclinaison moyenne. Contrairement au dallage continu en faux plafond, ce calepinage géométrique original produit un ensemble aux propriétés assez remarquables, à la fois réfléchissantes et diffusantes, et relayant efficacement le travail du décor acoustique en parois latérales. Les assises fixes sont les seuls éléments absorbants présents dans la salle. Les fauteuils rabattables voient la sous-face des assises perforées. Cette préconisation, hors notice acoustique, est d’une efficacité toute relative. Les dernières mesures montrent un léger infléchissement de la courbe dans les basses fréquences vers 200 à 250 Hz, dû très vraisemblablement à cette recommandation. Elle devrait s’atténuer une fois les fauteuils occupés.
Les groupes instrumentaux et vocaux
Le pôle éducatif comprend de nombreux espaces de travail dont une grande salle de répétition. Fort de ses 178 m2, ce plateau technique se destine plus particulièrement aux grandes formations. L’orchestre symphonique, une fois en place, produit un rendu parfaitement équilibré. La répartition des différents groupes instrumentaux, au sol ou sur praticables, ne pose aucune difficulté. En revanche, la situation sur la scène de l’auditorium fut très différente. Le PV du 5 novembre 2020, émis lors de la visite de réception de travaux préalable à l’ouverture, indiquait à la ligne L2 “jauge à raison d’une personne par siège en salle et 40 musiciens sur scène”. La question du chœur et des chanteurs restait en somme sans réponse. La demande du permis de construire modificatif en séance du 16 septembre 2021 a fort heureusement permis de rétablir les équilibres. L’auditorium a reçu cette fois un avis favorable avec la mention “jauge à raison d’une personne par siège et 181 personnes sur scène”.
En outre, il reste un point qui devra être réglé à plus ou moins brève échéance. Avec ses 8,81 m à l’axe, le manque de recul sur scène impose la reconfiguration partielle de l’orchestre. La ligne de fond (batterie ou percussions, timbales, vibraphone, xylophone, cymbales,…) se retrouve renvoyée systématiquement en deux blocs séparés et se répartissant tant bien que mal à jardin et à cour. Jean-Jacques Fabre confirme “qu’il n’est pas possible en l’état d’organiser un gradin d’orchestre adapté, seules deux hauteurs de praticables sont exploitables sur toute la profondeur, soit trois niveaux : + 0,00 m, 0,20 m et 0,40 m, situation qui n’est pas vraiment idéale tant sur le rendu orchestral que sur le plan visuel”. La mise en place d’un système léger de couverture de la fosse, comme ce fut le cas par exemple sur la grande salle de La Vence Scène à Saint-Égrève, permettrait de dégager l’espace, créant de fait une configuration dite en extension de scène avec plus de 13,50 m de profondeur de scène.
Exigences et marges de progression
Fort du retour d’expérience et du retour des utilisateurs, Jean-Jacques Fabre et son ancien directeur Guy Sbarra partagent une vision assez commune sur les axes d’amélioration que pourra peut-être engager la nouvelle direction à plus ou moins long terme. Tout d’abord, le Conservatoire se destinait essentiellement à produire et accueillir les élèves en répétition et en représentation. La jauge actuelle s’intercale parfaitement bien dans le paysage local avec les différentes jauges disponibles au sein de l’agglomération. Il n’est donc pas étonnant que la Scène nationale et d’autres opérateurs tentent de déporter une partie de leur programmation au Conservatoire. Ces nouvelles demandes réclament une adaptation urgente sur le plan scénographique et une dotation suffisante en équipements scéniques, si l’exploitant souhaite, à terme, satisfaire aux exigences croissantes des fiches techniques. L’intégration d’une part de variabilité acoustique va se poser à plus ou moins brève échéance. Nous pouvons comprendre que la mise en place, comme c’est le cas actuellement, de tentures de scène à des fins acoustiques puisse ternir le rendu architectural exceptionnel de cette salle. Il pourrait être envisagé d’installer des panneaux acoustiques mobiles avec une face absorbante (TR : 1,1 s) et une face réfléchissante (TR : 1,4 s), comme ce fut le cas par exemple dans la salle de L’Astrada à Marciac ou au grand auditorium du Centre des Congrès de Rennes. Ces dispositifs seraient parfaitement efficaces en termes de variabilité et amélioreraient de surcroît les problèmes de découvertes latérales. Nous pourrions tout aussi bien prévoir la construction de réflecteurs mobiles télescopiques ou déployables comme ceux livrés à l’auditorium du CCR 93 à Aubervilliers. La construction d’une paroi acoustique du fond de scène avec une circulation à l’arrière permettrait d’organiser les entrées et sorties de scène sans être à vue. Le grand auditorium de la Cité de la Musique et de la Danse GrandSoissons nous rappelle cette configuration originale. Placé dans l’expectative, Jean-Jacques Fabre a anticipé cette situation en prévoyant la fabrication de deux découvertes démontables en bois calquées sur le principe de construction d’un châssis de décor.
Dans la continuité, de nouvelles demandes d’implantations de projecteurs d’éclairage scénique sont à prévoir. Les projecteurs automatisés en place nécessitent d’être approchés pour la maintenance et les fréquentes mises à jour de leur micrologiciel. Ces interventions sont réalisées par défaut à l’aide d’une nacelle élévatrice. Ces nouvelles contraintes nécessiteront, à termes, de prévoir la motorisation, a minima, des porteuses doubles fixes situées au-dessus de la scène. L’exploitant pourra, par la suite, prévoir un investissement dans un petit parc de projecteurs LEDs Wash dotés d’une ouverture bien plus adaptée à la réalisation d’un éclairage de face ou en contre. L’impossibilité de faire le noir en salle se devra d’être résolu rapidement. Dans la version actuelle, aucun système d’occultation n’a été préconisé au niveau des ouvrants oscillo-battants vitrés situés en partie supérieure des pignons.
Jean-Jacques Fabre se réjouit “qu’une part de mes remarques aient bien été prises en compte. Reste à trouver des lignes budgétaires et réussir à convaincre de l’efficacité de telles mesures”. La collectivité, elle-même intéressée par l’utilisation de cet auditorium pour ses séances plénières, est bien consciente de la nécessité de faire évoluer les choses. Reste à savoir où placer le curseur entre mises à disposition, demandes extérieures et la place réservée aux activités du CRI au sein même de cet équipement.
- Espace scénique adossé sans cadre de scène
- Configuration : orchestre symphonique, 40 musiciens
- Jauge maximale sur scène : 180 élèves
- Accès livraison : Issue de secours 3 UP, double porte anti-panique
- Hauteur de scène : 0,95 m
- Profondeur de scène à l’axe : 8,81 m
- Aire de jeu : 16,50 m x 7,40 m, soit 125 m2
- Distance de mur à mur : 20,30 m, soit 142 m2 hors tout
- Distance de la régie au nez-de-scène : 17,05 m
- Parquet de scène sur lambourdes, finition satinée, charge d’exploitation : 500 daN/m2
- Gradin d’orchestre : + 0,00 m, + 0,20 m et + 0,40 m (praticables de scène démontables)
- Altimétries en scène : 7,81 m (nez-de-scène), 6,56 m (milieu), 6,16 m (fond de scène)
- 6 porteuses doubles fixes
- Pupitres lumière : ETC Eos Ion Xe 20 double écrans, interfaces Cisco SG300-28PP, node Showtec NET-8/5, splitter ELC DT 2210
- Projecteurs : Robe T1 ProfileTM
- Pupitre de mixage : Allen & Heath Avantis, stage boxes DT 168, interfaces Cisco SG350-10P, protocole Dante
- Diffusion façade : Nexo GEO M620, LS18-E, ID24
- Diffusion plateau : Nexo PS10, P10
- Amplification : Nexo NXAMP4X1 MK2
- Intercommunication : Altair
- Vidéoprojecteur : Vivitek® DU8190Z Laser 10 000 lm
- Écran store motorisé 4/3, base : 6,50 m
- MOA : Sète Agglopole Méditerranée, service bâtiment
- AMO : Atelier Peytavin (François Barthelémi)
- BET acoustique : Atelier Rouch – Nicolas Albaric
- Régie générale : Jean-Jacques Fabre
- Réseaux scéniques, équipements son et lumière : Texen
- Réseaux vidéo : Texen / SMS
- Serrurerie scénique : Clément et Fils
- Équipements multimédia : SEMAP
- Fauteuils et praticables : Samia Devianne
- Parquet de scène : Entreprise Carayon