Dan Acher, artiviste

Borealis - Photo © Dan Acher

Borealis – Photo © Dan Acher

C’est un Genevois né à Bangkok, père de deux enfants (cinq et treize ans). Jeune, il comprend qu’il peut associer ses études aux voyages. Il pose ses bagages en Nouvelle-Zélande où il étudie l’anthropologie sociale et le management. Ce virage – pris alors qu’il avait débuté une école de commerce à Genève et se dirigeait vers l’économie – il le doit à une rencontre avec des amis étudiants en ethnologie à l’université de Neuchâtel. Parcourir le monde pour voir comment les gens vivent, avec quels rituels, quelles appartenances, quelles communautés, quels sens communs. Il habite le ciel de ses aurores boréales et y fait flotter un drapeau de 20 m x 30 m pour alerter les puissants sur l’urgence écologique. Qui est Dan Acher


Regard sur le monde

J’avais vingt-trois ans lorsque je suis arrivé en Nouvelle-Zélande. J’imagine qu’au départ c’était un moyen de partir très loin de chez moi. J’ai changé mon parcours pour faire de l’anthropologie sociale. Sur place, j’ai commencé à organiser des manifestations, des petits festivals, des marches pour le climat. Puis, à l’issue de mes études, j’ai profité de mon retour à Genève pour expérimenter, apprendre sur le terrain et me lancer dans une sensibilisation à l’environnement.” Dan Acher sait ce qu’il dit et croit en ce qu’il fait. Ses études en Nouvelle-Zélande lui permettent de réfléchir à ses désirs : pousser des messages d’utilité publique, être capable d’enthousiasmer et de fédérer des personnes, repérer les talents. Son credo : sensibiliser à l’environnement. Ses moyens : chercher, développer, expérimenter, fédérer. Un très beau projet pour adolescents et jeunes adultes (près de trois mille personnes) déploie une quarantaine d’actions telles que la construction de panneaux solaires, la décoration de bus, le plantage de mille arbres, le nettoyage des rivières. La ville de Genève le repère et commence à l’appeler pour organiser des expériences. “Je savais organiser un événement de A à Z – logistique, sécurité, installations électriques, …  Alors la ville de Genève faisait appel à moi.” De fil en aiguille, il crée ses propres événements, telles que CinéTransat, avec pour objectif de dynamiser le vivre ensemble et créer des liens entre les êtres. “À force de créer des événements avec des budgets et des équipes conséquentes, je me suis demandé pourquoi je ne me concentrerais pas sur mes propres projets. Ceci a germé lorsque des gens me disaient ‘tu es un artiste’. Je n’avais jamais réfléchi à cela. C’est à ce moment-là que le terme ‘artiviste’ est apparu comme une évidence. Utiliser l’art pour apporter du changement social.” L’ONG Ashoka le repère et fait de lui un fellow (entrepreneur social). Cette organisation américaine, fondée en Inde par Bill Drayton, propose aux entrepreneurs sociaux innovants d’augmenter leur impact sur la société dans des domaines tels que l’éducation, la formation, la santé, les discriminations, la défense de l’environnement, le développement durable. Dan Acher se plaît à dire que le but de son travail est la recherche d’impact. Être Fellow Ashoka lui permet de générer des revenus qui ne dépendent pas de la puissance publique et surtout d’augmenter son audience, de changer d’échelle en développant une caisse de résonance internationale.

We are watching - Photo © Miguel Bueno / FIFDH

We are watching – Photo © Miguel Bueno / FIFDH

Happy City Lab

Groupées sous le label Happy City Lab, deux associations (CinéTransat et Tako, Propagande culturelle) et une société (42 Prod) orchestrent les projets de Dan Acher. Répartis en trois grand axes – participatif, immersif, monumental –, les programmes cherchent un champ d’ouverture le plus large possible. Sous la bannière “participatif”, nous retrouvons CinéTransat, du cinéma participatif en plein air, Touch’n’dance, où de parfaits inconnus s’interpellent et se donnent la main le temps d’une chanson, et enfin Turn me on, interaction artistique où deux interrupteurs géants épousent l’espace pour appeler à l’exploration, une fois actionnés par les passants, des bouches et des yeux à grande échelle, projetés sur les façades. Sous l’appellation “monumental”, Street Light Orchestra propose un son et lumière atypique où de grands lampadaires diffusent séparément une famille d’instruments pour recréer un orchestre symphonique et Urban Rodeo pose dans l’espace un vrai cheval à bascule de 4 m de haut et 5 m de long. Enfin, sous le nom “immersif”, nous découvrons Borealis, la création d’une aurore boréale. “Borealis est né d’une recherche personnelle sur les métamorphoses. Je cherchais, lors de conversations, des idées concrètes pour permettre de voir le monde différemment. J’ai compris par les témoignages que les gens qui avaient assisté à une aurore boréale étaient saisis et que cela permettait de changer d’échelle. Et puis, l’École polytechnique me demande une manifestation d’ampleur pour inaugurer un bâtiment créé par un architecte japonais. Devant le bâtiment, une place de 200 m x 100 m. Je fais de la recherche-développement avec une entreprise allemande et nous travaillons à la création de Borealis. Dans le ciel, je crée des strates de lumière invisibles à l’œil nu et j’insère par le mouvement du vent et les variations de température de la bruine qui voyage dans le ciel et traverse les strates.” L’effet est saisissant. Borealis voyage dans le monde entier et laisse les spectateurs ébahis. Une nouvelle musique vient d’être créée par Guillaume Desbois pour accompagner l’ensemble.

Turn me on, Vernier, 2014 - Photo © Dan Acher

Turn me on, Vernier, 2014 – Photo © Dan Acher

We are watching

Borealis est souvent présentée aux côtés de We are watching. “Ce dernier projet est né d’un déplacement au Chili au moment de la COP25. Je suis invité pour un festival sur le développement durable. J’arrive à Santiago devant le siège de la présidence, La Moneda, et je vois cet immense drapeau chilien flottant au vent. Il est gigantesque. Je me dis que je vais substituer ce drapeau national en créant un drapeau aux yeux du monde, un drapeau global que nous ferons voler devant le bâtiment pour la COP25.” Le Chili annulera la COP25 mais le drapeau naîtra ; un drapeau blanc de 30 m x 20 m, flanqué d’un œil en son centre, ce même œil étant constitué de photographies d’hommes et de femmes du monde entier – à ce jour 191 pays. Le site Internet wearewatching.org permet d’envoyer son portrait. Le drapeau a volé dans le ciel de Glasgow pour la COP26 et a déjà fait le tour du monde avant cela. Sur le site, nous pouvons zoomer sur chacun des visages, la somme de ces regards formant le drapeau du monde ; et ceci dessine une utopie terriblement émouvante. Dan Acher met en mouvement les êtres et les choses. Aujourd’hui, il a laissé la direction des associations et se concentre sur ses propres projets artistiques. Il est convaincant lorsqu’il énonce avec foi qu’il y a urgence à retrouver un sens d’appartenance à une humanité commune, quelles que soient nos origines, nos religions, nos pensées politiques, qu’il aime investir la ville comme espace de jeu et y apporter un nouvel imaginaire. Il est vrai qu’à l’échelle d’un quartier, d’un bâtiment, ce drapeau, rassemblant toute l’humanité et flottant au vent, est sidérant. Les projets de Dan Acher créent un grand arc entre l’industrie, les nouvelles technologies et l’artisanat pur. En ceci, il est passionnant. Des boîtes d’échanges entre voisins qui ont fleuri partout dans le monde (nous y trouvons des livres, des habits, des objets, …) à Digital Neutron qui va puiser du côté des réalités augmentées, tout est là au service de la grande communauté humaine. Avec lui, des équipes volantes de techniciens expérimentés partagés avec Architects of air et leur Luminaria. Nous avons envie de croire en cette réparation par l’innocence. Nous avons envie que ce chemin existe, que Dan Acher ait raison. À l’un de ses amis, Luke Jerram, nous devons les pianos dans l’espace public mis à disposition des passants, installés dans les rues, les places, les gares, les parcs, … Ils invitent à créer un espace partagé, ramènent la poésie dans la ville. Et si c’était vrai ? S’il s’agissait de réintroduire les temps communs oubliés ? Et nous soufflerions ensemble sur la couche de poussière. Petit à petit. Il suffit d’y croire.

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