L’Opéra d’Avignon fait peau neuve
Toutes les photos sont de © Patrice Morel
Cette dernière mise à jour tend à améliorer le confort du public, la qualité d’écoute et l’accessibilité. Parmi les nombreuses interventions répertoriées au lot scénographique, nous comptons l’agrandissement substantiel de la fosse d’orchestre, le renouvellement de la diffusion sonore, l’automatisation des équipements scénotechniques associés au renouvellement des réseaux audiovisuels.
Avant-propos
La lecture très habile du projet a conduit à un large périmètre d’intervention. Félix Lefebvre et Noémie Boggio de l’agence Kanju ont su se mettre à la portée des futurs utilisateurs. D’ici quelques semaines, ces derniers devraient être en mesure de tester, en situation, la totalité des fonctionnalités.
Certains équipements préexistants ont été conservés et réhabilités, comme par exemple les tables élévatrices du proscenium et la structure du plateau détrapable à inclinaison motorisée. D’autres ont été entièrement déposés, à l’instar des anciens équipements de machinerie manuelle, des réseaux scéniques analogiques devenus pratiquement obsolètes. Sans oublier la livraison d’équipements neufs tels que le monte-décor à l’arrière-scène côté cour, la motorisation des cintres, la création du gril de proscenium, de la galerie de poursuites, …
D’un point de vue acoustique
La notice acoustique(1) comportait plusieurs volets dont les deux principaux ciblaient les imperfections du bloc salle principal :
- L’agrandissement de la fosse d’orchestre qui, en plus de la réfection des élévateurs de fosse, comprenait des mesures de traitement acoustique spécifiques ;
- La reprise de la pente de la salle et du décor d’orchestre conduisant à des améliorations en termes de confort d’écoute.
Ces opérations visaient essentiellement à rééquilibrer les énergies et à atténuer les réflexions parasites. L’une des premières mesures consistait à faire disparaître les anciennes moquettes. Le plenum et les bouches de soufflage ont été renouvelés. Le décor de l’orchestre se présentait sous la forme de parois latérales lisses à pans droits. Ces surfaces réfléchissantes, qui étaient le siège de réflexions parasites, produisaient, de surcroît, un effet de focalisation. Les anciens panneaux ont été remplacés par des parois ondulées, un effet de vagues qui s’apparente au façonnage d’un rideau acoustique. Le nouveau traitement offre un rendu très homogène et supprime le phénomène de focalisation. Vient en complément, le travail réalisé en sous-face du premier balcon. La préconisation porte sur la pose d’un plafond acoustique et d’une paroi absorbante implantée au fond du parterre de salle. La mesure redonne vie aux deux derniers rangs du parterre, sous-ensemble de places encastrées sous le premier balcon.
Le traitement acoustique a aussi été intégré dans la phase de conception du grand lustre. L’astuce tenait à lui donner une forme générale et à dimensionner habilement les suspensions, pampilles et pendeloques. Cette pièce monumentale suspendue au centre de la salle apporte une part de diffusion non négligeable.
Du fait d’un évent (partie ouverte de la fosse entre le garde-corps et le nez-de-scène) de petite dimension, l’ancienne fosse avait du mal à porter le son en salle. Le pont lumière et les draperies, nouvellement installés, ne font qu’amplifier le phénomène. Globalement, en situation de décor d’opéra, le double cadre repousse, au mieux, les premières entrées à plus de 2 m à l’arrière du cadre, une configuration qui n’est pas sans incidence sur l’équilibre orchestral.
Dans l’impossibilité de prévoir un abat-son, il fallait retrouver les éléments nécessaires au couplage. Les oreilles de la fosse ont été élargies vers l’extérieur, portant la capacité à environ quarante musiciens. L’évent s’en trouve agrandi d’autant.
Une dose de variabilité a été ajoutée en fosse. Le réglage s’obtient par le déploiement ou non de pans de rideaux acoustiques indépendants montés sur patiences.
Le garde-corps de fosse intègre des trappes de couplage amovibles qui laissent passer le son en direction de la salle.
Système de diffusion Fohhn
Daniel Borreau, de la société Rock Audio Distribution, est l’importateur en France des produits de la marque Fohhn. Ces systèmes de diffusion équipent déjà de nombreux lieux de prestige comme l’Opéra de Paris, le Château de Versailles, le Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence, … Il nous rappelle, en quelques mots, les fondements des préconisations : “Les importants et difficiles travaux de rénovation ont conduit la maîtrise d’œuvre à ne pas prendre le risque d‘implanter des enceintes dans les espaces ‘sous-balcons’ compte tenu de la fragilité des matériaux”.
Des systèmes de diffusion dits Beam Steering Technology couvrent les cinq niveaux d’auditoire : pour le parterre et les trois balcons, ce sont quatre paires d’enceintes ligne source actives DLI-230, et pour le poulailler une paire d’enceintes ligne source passives LX-150.
Rappelons que la capacité de réjection produite par ce type de technologie permet de contrôler à la fois l’ouverture verticale du son et l’angle d’inclinaison. La prise en main est grandement facilitée par des interfaces de gestion pilotées à partir d’un logiciel particulièrement intuitif ! Les caractéristiques dimensionnelles des colonnes retenues au cahier des clauses techniques particulières assurent une parfaite intégration des enceintes dans le décor du cadre de scène. Seuls les renforts de graves et les sub bass ont dû être placés dans les deux loges de l’avant-scène.
Lot serrurerie machinerie
Le lot machinerie présente des spécificités remarquables. La cage de scène est refermée en partie supérieure par une toiture en forme de coupole, une contrainte architecturale qui se devait d’être prise en compte. Nous découvrons, entre autres, un plateau de scène détrapable à inclinaison motorisée, associé à un gril sandwich(2). Il s’agit en fait d’un gril unique sans pouliage apparent. Des équipes à tirage classiques ou de type canadiennes sont installées dans l’épaisseur ou en sous-face du gril comme ce fut le cas par exemple au Théâtre Marigny ou à La Scala Paris.
L’ensemble de la surface est recouvert par un caillebotis de maille 60 mm x 40 mm, à raison de 250 daN/m2. Les treuils ponctuels AMG-Féchoz Nano manuportés, d’une capacité de 125 daN, sont posés à même le caillebotis. En revanche, les palans motorisés complémentaires seront préalablement installés sur des chaises supports, elles-mêmes posées sur des plaques de répartition de charges de 1 m x 1 m.
Passerelle en deux services
Les deux services de passerelles de scène sont continus, se rejoignant par la distribution des circulations de l’arrière-scène. La circulation à l’arrière du cadre s’effectue au niveau du premier service, au travers de la passerelle mobile. Si l’altimétrie prévue par défaut n’est pas sélectionnée (ce qui reste une possibilité), les portillons de sécurité interdiront toute communication à ce même niveau. Les utilisateurs devront choisir entre confort et contraintes altimétriques pour la lumière. Des éléments de serrurerie complémentaires ont été préconisés afin de faciliter le positionnement et le stockage des projecteurs en passerelle. Les lisses tubulaires fixes, installées côté parois murales, reprennent en tout point les côtes altimétriques des mains courantes et des lisses rabattables des garde-corps.
Les équipements complémentaires
Les piliers au niveau des anciennes cheminées de contrepoids supportent trois niveaux de lisses tubulaires fixes, installées respectivement à 2 m, 4 m et 6 m de hauteur. Vient en complément, au droit des parois latérales, une série d’anneaux d’ancrage pour circassiens. Ces anneaux ne sont pas prévus pour réaliser un tirage vertical.
Différents points de vue
– Passerelle mobile du cadre
Lors du passage de relais entre l’ancienne et la nouvelle équipe de maîtrise d’usage, certaines différences de points de vue sont apparues. Parmi les nombreuses questions posées, l’une d’entre elles portait sur le fait de conserver ou non la passerelle mobile du cadre et ses draperies mobiles qui lui ont été associées. A priori, ces équipements n’apparaissaient pas sur la première version des plans. La passerelle mobile aurait été réclamée par la suite par l’ancienne équipe de maîtrise d’usage. Les équipements, qui ont finalement été livrés conformément à cette demande, n’ont pas toujours eu bonne presse auprès des prescripteurs. D’ailleurs, ces équipements ont pratiquement tous disparus suite à des travaux de réhabilitation.
Afin de parer à toute éventualité, Felix Lefebvre et son équipe ont demandé à la société AMG-Féchoz de prévoir des réservations permettant de modifier ultérieurement le dispositif de serrurerie. Est prévu à cet emplacement, et en option, le remplacement éventuel de la passerelle mobile du cadre par trois à quatre équipes frontales canadiennes motorisées.
À l’approche du cadre
La boîte à rideaux, qui comporte très peu de recul, accueille de nombreux équipements. Nous avons ainsi le cadre mobile qui vient cacher la passerelle mobile, suivi de deux équipes mobiles du cadre, et pour finir l’équipe du rideau d’avant-scène. Cette dernière entre en conflit avec le système hydraulique du dispositif d’occultation de la baie de scène.
– Palans motorisés sous passerelles
Une autre question fit débat à propos de la fourniture des palans motorisés situés en sous-face des deux passerelles latérales de scène du premier service. Ces deux séries de trois palans coulissent sur des guides indépendants, à l’aide de chariots porte-palans à poussée manuelle dans le sens longitudinal. Chaque passerelle supporte deux guides indépendants, équipés à chaque fois de trois palans motorisés. Ces équipements sont complétés par les deux équipes latérales canadiennes motorisées ECM circulant depuis le gril, au droit et à l’avant des passerelles. La direction technique actuelle s’interroge sur l’utilité probante des palans sur guides. Felix Lefebvre avait déjà soulevé cette opportunité qui n’a malheureusement pas pu être actée. Elle aurait permis de proposer quatre séries de trois équipes courtes motorisées comme ce fut le cas par exemple lors de la réhabilitation des équipements de machinerie du Théâtre des Célestins à Lyon.
À l’avant du cadre
Nous noterons la création d’un gril de proscenium qui, à ce jour, reçoit l’unique équipe motorisée d’avant-scène. Différentes lisses de projecteurs ont pu être implantées au niveau des balcons. La réhabilitation du paradis aura permis la création de la galerie de poursuites. Dotée d’une lisse d’éclairage en hauteur, les réglages lumière y sont particulièrement confortables.
Travailler dans un théâtre historique, c’est travailler avec le patrimoine et non pas contre. La porteuse en salle est équipée à la demande et les loges du cadre sont mises à la disposition du public.
Plancher et dessous de scène
- La structure du plateau et les vis sans fin ont été conservées. Le plancher et les trappes ont été entièrement renouvelés. Le complexe se compose de trois plis en épicéa et de deux couches en contreparement de hêtre. Le couplage mécanique par arbre de transmission encombrait les dessous. La transmission a été remplacée par un couplage électrique avec des moteurs indépendants ;
- Les quatre tables élévatrices réhabilitées sont dotées d’une nouvelle centrale hydraulique et d’un couple diviseur de flux. Ce dernier permet d’obtenir le mouvement synchronisé des tables entres elles. En conséquence, le plancher de fosse et le guidage des fauteuils sont d’un seul tenant ;
- Le garage construit à l’avant de la fosse permet le stockage des nouveaux wagons de fauteuils. Ces derniers sont poussés manuellement sur l’élévateur d’orchestre. Le freinage en position extension de salle est obtenu par le serrage de tampons à vis.
(1) DAP Acoustique – Entretien avec Federico Cruz Barney
(2) Gril sandwich, Pierre Gautier dans Traité de Scénotechnique
- Espace scénique isolable
- Classement des décors en matériaux M3 ou classé D-s3-d0
- Dimensions du monte-décor : 3,14 m x 6,10 m, charge : 3 000 daN
- Ouverture au cadre : 10 m
- Hauteur du cadre : 7,80 m
- Régie fermée en fond de 1er balcon, vitrages escamotables
- Distance de la régie au nez-de-scène : 18,90 m (en extension de salle)
- Largeur de mur à mur : 20,50 m
- Profondeur : 12,80 m (au dos du rideau pare-flammes ou dispositif d’occultation de la baie de scène), 14,20 m (au nez-de-scène), 19,10 m (proscenium en extension de scène)
- Plateau de scène détrapable à inclinaison motorisée :
- Pente : 0 % et 3,7 % motorisée, hauteur au nez-de-scène : 0,95 m, hauteur des dessous : 2,31 m
- Plancher détrapable : 7 lignes sur 13,65 m, trappes de 1,05 m x 1,05 m, charge : 500 daN/m2, 5 plis, épaisseur 52 mm, 3 plis épicéa, contreparement : hêtre
- Plates-formes élévatrices du proscenium : 12,50 m x 4,74 m, 3 configurations, fosse avec garage, wagons de fauteuils (extension de salle)
- Fosse d’orchestre 40 musiciens, hauteur sous l’auvent : 1,85 m à 2,20 m, profondeur utile : 7,65 m
- Les altimétries :
- Gril sandwich : 19,10 m
- Sous gril : 18,60 m
- 1er et 2e services : 9,30 m et 11,80 m
- Largeur entre passerelles : 16,36 m
- Une équipe de proscenium motorisée Spiralex, charge 350 daN, vitesse : 0,2 m/s
- 35 équipes frontales canadiennes motorisées*, charge 350 daN, dont 8 à vitesse variables 0 à 1,2 m/s, les 27 restantes à 0,5 m/s
*Équipes canadiennes à tambours de câbles inversés (sans trancanage) - 10 treuils ponctuels Nano manuportés, charge : 125 daN, vitesse variable : 0 à 1,2 m/s
- 2 équipes frontales canadiennes motorisées* (lambrequin et rideau d’avant-scène), charge : 350 daN, vitesse variable : 0 à 0,5 m/s
* Équipes canadiennes à tambours de câbles inversés (sans trancanage) - Patience du rideau d’avant-scène : déploiement : 13 m, recouvrement : 1 m, vitesses variables : 0 à 1 m/s
- Équipe motorisée de l’écran de surtitrage, charge : 125 daN, vitesse : 0,1 m/s
- Équipe motorisée de la passerelle mobile du cadre (pont lumière), charge : 1 000 daN, vitesse : 0,13 m/s
- 2 équipes latérales motorisées ECM, charge : 350 daN, vitesse : 0,5 m/s
- 12 palans motorisés sous passerelles latérales, coulissement longitudinal sur chariots porte-palan à poussée manuelle, charge : 125 daN, vitesse : 4 m/mn
- 2 x 5 enrouleurs de câbles 6 cts Conductix Wampfler SR50 (rappel à ressorts)
- Système de pilotage et pupitre de machinerie IAPI EasyScène
- Pupitres lumière : ETC EOS Ti et Ion Xe 20
- Armoires de gradateurs : ETC Sensor3 ETR15AFR, ETR25AFR, Robert Juliat Digitour
- Réseau et interfaces Luminex GigaCore 14R, Gigacore 12, LumiNode 4, …
- Projecteurs : Martin MAC Quantum Wash, RobeR EspriteTM, ETC Source 4 LED Series 2 Lustr Array, Robert Juliat, ADB Stage Light, …
- Pupitres de mixage : Yamaha CL5, stage boxes Rio 3224-D2, Rio 1608-D2, …
- Réseau audio : Luminex GigaCore 14R (Dante) et Fohhn Net AIREA RS485, interface AM-20 AES/EBU
- Diffusion sonore principale : Fohhn DLI 230, LX 60, LX 10, renforts de graves AS-22, Sub Bass XS-4
- Diffusion mobile : enceintes MDC12, amplification Lab.Gruppen IPD Series 2400
- Intercommunication : Green-GO
- Projecteur vidéo Christie D20WU-HS 20.000 lm
- Directeur technique : Emmanuel Journoud
- Scénographie : Kanju
- BET acoustique : Studio DAP
- Serrurerie, machinerie scénique : AMG-Féchoz
- Réseaux et matériels scéniques : Dushow
- Menuiserie scénique : VTI
- Fauteuils : Saviex Industries
- Tentures scéniques : Azur Scenic







