Le nouveau paysage de L’Azimut

Le Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian

Toutes les photos sont de © Patrice Morel

Le Théâtre Firmin Gémier / Patrick Devedjian, la nouvelle salle de la ville d’Antony, complète l’ensemble culturel de L’Azimut qui possède ainsi quatre espaces de représentation dans trois lieux et sur deux communes (Châtenay-Malabry et Antony) : situation remarquable où deux communes mutualisent leur projet culturel et leur équipement sous une même bannière. Cette nouvelle salle transformable pourra ainsi répondre aux ambitions artistiques de ses co-directeurs, Marc Jeancourt et Delphine Lagrandeur.

Parvis, accès public - Photo © Blond & Roux architectes

Parvis, accès public – Photo © Blond & Roux architectes


L’Azimut est un équipement du territoire Vallée Sud – Grand Paris composé de : La Piscine, disposant d’une grande salle frontale et d’une petite salle appelée Pédiluve, l’espace Chapiteau et la nouvelle salle de théâtre qui vient d’être inaugurée sous le nom Firmin Gémier / Patrick Devedjian. À l’origine, Marc Jeancourt et Delphine Lagrandeur, co-directeurs du théâtre Firmin Gémier à Antony (respectivement depuis 2000 et 2004), prennent la direction de La Piscine qui venait d’être rénovée en 2008. “Nous avons ainsi agrandi notre territoire. Nous nous sommes retrouvés avec un seul théâtre et trois espaces qui sont à trois/quatre kilomètres”, explique Marc Jeancourt. Avec l’ouverture de la nouvelle salle d’Antony, cet ensemble a pris le nom de L’Azimut en 2021. “L’Azimut prend tout son sens parce qu’il peut permettre plusieurs types de spectacles entre les trois espaces et les quatre salles. C’est un nom de famille et les salles seraient les prénoms, une manière d’embrasser l’ensemble de nos lieux dans un même projet artistique”, précise Delphine Lagrandeur. “Tous nos lieux seront facilement accessibles par les transports en commun. Dans le cadre du Grand Paris, en 2023, le tram va relier Antony à Clamart avec un arrêt à La Piscine.

Inscription architecturale, environnement urbain, voiries - Photo © Blond & Roux architectes

Inscription architecturale, environnement urbain, voiries – Photo © Blond & Roux architectes

Pourquoi construire une nouvelle salle ? Pour Marc Jeancourt, la nécessité est double : d’abord prolonger l’histoire de la décentralisation parisienne du centre dramatique de la banlieue sud, puis le besoin artistique d’avoir un outil adaptable. L’histoire du Théâtre Firmin Gémier remonte à 1967 avec pour directeur Jacques Sarthou, installé dans une halle datant de 1930. Depuis cette période, les metteurs en scène ont dirigé ce théâtre et les responsables politiques se sont sentis investis. En 1980, le Théâtre du Campagnol, installé à La Piscine de Châtenay-Malabry, fait le lien entre les deux structures et les deux villes. Ils répètent Le Bal dans La Piscine désaffectée pour une représentation au centre municipal d’Antony. Le Théâtre Firmin Gémier ferme en 2011 pour cause de découverte d’amiante et est détruit. Dès lors, l’équipe a continué à rester investie à Antony en maintenant une présence dans une salle municipale. Dix ans plus tard, la nouvelle salle est inaugurée.

Antony et Châtenay-Malabry, qui font partie de la même communauté d’agglomérations, profitent de cette mutualisation à travers une complémentarité des équipements et des situations géographiques. “Contrairement à Châtenay, Antony n’est pas une cité dortoir. L’espace cirque est cependant implanté dans un angle mort de la ville. L’avantage de cette mutualisation est aussi économique. Même si les techniciens sont affectés à un lieu et qu’un accueil existe dans chacun des bâtiments, il y a une mutualisation administrative et des relations publiques, et surtout, cela crée une dynamique publique qui profite d’un ensemble attractif”, dit Marc Jeancourt.

Hall d’accueil, billetterie - Photo © Blond & Roux architectes

Hall d’accueil, billetterie – Photo © Blond & Roux architectes

Le choix d’une salle transformable

Dans cette relation durable établie entre Châtenay et Antony, il était nécessaire de penser à une salle complémentaire à celle de La Piscine. La salle modulable comme une vraie boîte à outils s’est imposée. “Il faut trouver cette adaptabilité et cette souplesse que la salle de La Piscine (qui a de nombreuses qualités par ailleurs) ne possède pas. Ce lieu devrait faire face à la métamorphose du spectacle vivant. Les artistes réinventent le paysage théâtral, leur relation avec le public, de la scène et de la salle avec un éclatement de la dramaturgie et de l’espace. Nous sommes des passeurs entre les artistes et le public et il faut que les outils soient les plus adaptés possible face à ces inventions. Aujourd’hui, plutôt que de monter des pièces, les artistes proposent des sujets comme des récits de vie, des collectages de paroles. En vingt ans, les choses ont évolué et nous changeons de paradigme. Ni la frontalité ni la boîte noire ne sont plus les modèles dominants. Nous assistons à des propositions intéressantes dans d’autres configurations qui ne sont plus des expériences marginales ni des spectacles expérimentaux. La reconfiguration est métaphoriquement intéressante puisque quitter le frontal serait ne rien cacher. La place de l’illusion est ainsi modifiée.

Foyer public, niveau R+1

Foyer public, niveau R+1

Un terrain très contraignant

Le site d’un ancien parking hors du centre-ville a été proposé pour l’implantation du Théâtre ; un lieu de passage et de flux, une situation difficile en termes de fréquentation. Le Théâtre pourrait donner une nouvelle centralité à la ville d’Antony. Le terrain présentait de nombreuses contraintes avec une surface inadaptée avec le programme et une forte déclivité puisque la rue Maurice Labrousse est en pente. Les trois équipes sélectionnées pour le concours – Nicolas Michelin, Wilmotte & Associés et Blond & Roux architectes – avaient signalé, dès la première visite, que les dimensions du terrain ne pouvaient contenir que la salle et qu’il restait très peu de place pour les espaces communs. C’est donc Blond & Roux architectes avec Architecture & Technique pour la scénographie qui ont été lauréats en septembre 2013.

Configuration frontale, public assis - Photo © Blond & Roux architectes

Configuration frontale, public assis – Photo © Blond & Roux architectes

Pour gagner de la place, il n’était pas possible de dépasser la hauteur des bâtiments voisins ; il ne restait donc qu’à creuser. Marie-Agnès Blond explique : “Une étude d’hydrologie nous mettait en garde contre la présence d’eau dans le sous-sol. Il n’en était rien mais il existait des vides connectés et nous avons été obligés de construire des parois étanches moulées de 60 cm d’épaisseur. Nous avons repris l’ensemble du sous-sol en comblant les vides. Une partie importante du budget a été consacrée à la création des sous-sols”. La salle est à moitié enterrée, nécessitant l’augmentation des sorties de secours d’un tiers. Deux niveaux de sous-sols ont été créés pour les stockages au niveau -3 et deux foyers et quatre loges de cinq personnes au niveau -2.

Configuration libre ou frontale, public debout

Configuration libre ou frontale, public debout

Espace scénique intégré à la salle

Espace scénique intégré à la salle

La fenêtre sur le parvis

L’architecture est composée de deux volumes implantés à l’extrémité de l’esplanade. Le volume principal, totalement ouvert sur le parvis, est une grande baie vitrée qui marque l’entrée par son porte-à-faux. Ce volume comporte, au premier étage, le foyer public qui sert aussi d’espace de coworking et au deuxième étage une salle de répétition. Espace public et espace de travail se donnent à voir et sont extrêmement lumineux. La composition des deux volumes a permis la création d’une terrasse complémentaire accessible par les artistes. La salle de répétition de 67 m2 est surtout une salle de travail. Pour Marc Jeancourt, “la salle deviendra un atelier pour des répétitions et nous en profiterons pour faire des actions publiques. Nous avons une belle salle de répétition à La Piscine de 10 m x 13 m et 5,10 m de hauteur, avec une série de lisses tubulaires sur toute la surface. Aujourd’hui, la promotion du Conservatoire de Paris, qui travaille avec Tg STAN pendant huit semaines, répète dans plusieurs salles selon la disponibilité et l’avancée du spectacle. Nous gardons la grande salle pour la dernière ligne droite, lorsque nous aurons besoin de mobiliser l’équipe technique et de nous approprier le lieu de représentation”.

L’accueil du Théâtre, dans la continuité du parvis, se trouve au niveau intermédiaire de la salle. L’entrée s’organise autour d’un grand escalier. Pour Marie-Agnès Blond, “l’idée était de la rendre présente grâce aux circulations du public vers la salle. L’escalier se déploie à l’inverse de l’entrée. Ainsi, les arrivées à l’étage s’ouvrent vers l’espace extérieur. Cette configuration donne davantage de place à la circulation du public vers la salle”. En descendant d’un demi-niveau, nous pouvons accéder au niveau bas de la salle où nous traversons un sas bleu aménagé grâce à l’habillage du dos des gradins. La façade est revêtue de tôles aluminium derrière des panneaux de vitrages de type shadow box, d’opacité variable, avec un vide de 10 cm. La couleur crème et dorée pâle s’accorde avec le ton des bâtiments environnants et grâce aux reflets, l’aspect change tout au long de la journée. Les cavités créées sont revêtues de cassettes métalliques. Ainsi ventilée, la façade respire par de petites ouvertures permettant à l’air de rentrer. Latéralement, le vitrage suit la pente de la rue. “Les grands volumes du Théâtre plongés dans le noir créent des façades fermées. Nous avons voulu que la salle bénéficie de la lumière naturelle et avons ouvert sur la rue. D’autre part, la trame de la salle modulable et les accroches des barres correspondent à la trame intérieure de la façade.

Espace régie, galerie ouverte sur la salle

Espace régie, galerie ouverte sur la salle

La salle, centre de la parcelle

La salle transformable de 44 m x 24 m x 9,75 m sous gril est enterrée de 10,86 m par rapport au point le plus haut du terrain naturel. Elle a une jauge de 442 places assises en frontal et de 700 places debout. Le choix de cette jauge correspond aux besoins d’une ville de 60 000 habitants mais surtout, il était politiquement nécessaire de maintenir la capacité de la salle historique qui était de 430 places. Le gradin mobile rétractable, qui se compose de cinq blocs distincts, est motorisé et permet différentes configurations : en frontale petite jauge, 248 places assises dont six PMR ; en bi-frontale, tribune télescopique repliée et quatre blocs dépliés ; en bi-frontale, implantées dans la longueur de la salle, deux tribunes télescopiques repliées et quatre blocs dépliés, 202 places assises dont six PMR. Les gradins repliés seront stockés au troisième sous-sol, évacués par le monte-charge à l’arrière-scène. Les passerelles de la salle sont publiques et leur niveau se raccorde avec le niveau haut du terrain. Nous sortons de terre sur les passerelles qui servent de sortie de secours aux PMR. Elles ont aussi un rôle de contreventement pour les murs latéraux de la salle. La salle bénéficie de la lumière du jour avec occultant. La composition des ouvertures de différentes dimensions suit la pente du terrain à l’intérieur de la salle. Les dimensions du terrain ne permettaient pas une vraie circulation cour/jardin. À l’arrière-scène, il fallait trouver l’emplacement pour un monte-charge et deux escaliers. Il est néanmoins possible de trouver une liaison en passant par la grande loge de changement rapide. Chaque centimètre du terrain a été utilisé.

Le Théâtre Firmin Gémier a été livré vide. Les utilisateurs ont profité des financements pour l’équipement du Théâtre d’Antony pour revoir le matériel de manière globale, les lumières LED, les systèmes son, les pupitres qui passent d’un lieu à l’autre avec des marques compatibles. Même si les équipements sont autonomes, le matériel, sur les demandes pointues, peut servir dans les deux endroits.

Atelier rangement (niveau R-3)

Atelier rangement (niveau R-3)

Espace de stockage matériel scénique (niveau R-3)

Espace de stockage matériel scénique (niveau R-3)

Aire de service, monte-charge (niveau R-3)

Aire de service, monte-charge (niveau R-3)

Un bâtiment évolutif

La parcelle était contrainte et la part importante que prend la salle rend compliqué l’accueil du public, surtout par rapport à notre projet artistique. Dans cette volonté de se projeter dans un mode de fonctionnement prospectif sur l’avenir du théâtre et dans une société de transformations, nous avons la conviction que nous ne pouvons plus nous replier sur nous-mêmes. Les cathédrales fermées en journée et ouvertes uniquement en soirée ne peuvent plus fonctionner. Nous devons multiplier les usages citoyens, associatifs, tiers-lieu. C’est pour cette raison que nous ouvrons le restaurant de La Piscine. J’aime parler d’un bâtiment évolutif. Nous savons qu’il y aura des aménagements à faire en interne dans les années à venir nous permettant d’utiliser au mieux ce tiers usage. Nous sommes au début puisque nous découvrons tous ces sujets”, précise Marc Jeancourt.

Coupe longitudinale du bâtiment dans son ensemble - Document © Architecture & Technique

Coupe longitudinale du bâtiment dans son ensemble – Document © Architecture & Technique

Par rapport à ces espaces intérieurs restreints, le parvis du Théâtre est un lieu à investir. Il a été aménagé, possède des accroches et offre ainsi un espace important pour des actions artistiques. “Nous allons accueillir l’année prochaine La Trilogie Molière, Le Ciel, la nuit et la fête, créée par le Nouveau théâtre populaire, un spectacle en bi-frontal ou frontal pour 400 personnes d’une durée de 7 h ou 8 h avec des entractes d’une heure. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas proposer, en termes d’espace, un entracte confortable, d’où la réflexion sur l’investissement du parvis.” Pour Delphine Lagrandeur, “en termes de programmation, nous nous amusons avec nos différents lieux comme lors du festival La Nuit du Cirque où pendant cinq jours nous nous en étions emparés et avions présenté des artistes et différents spectacles. C’était comme un festival dans le festival et le public circulait d’un lieu à l’autre”.

Les directeurs estiment que le projet artistique va profiter de cette variété d’outils pour accompagner les métamorphoses artistiques et installer une récurrence de travail des jeunes professionnels.

Générique

 

  • Terrain : 1 758 m2
  • Bâtiment : 3 066 m2
  • Budget : 12,49 M€ HT
    dont 2,69 M€ HT de lots scénographie (machinerie/électricité/gradin/fauteuils)
  • Concours : septembre 2013
  • Chantier : de 2018 à 2021
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