La Friche la Belle de Mai est un complexe culturel massif, la plus ancienne friche culturelle encore active en France, dont l’histoire a débuté en 1990 sur un ancien site industriel de 45 000 m². Cette SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif) a pour mission son aménagement et son exploitation. La Friche se définit comme un tiers-lieu qui héberge environ 70 résidents, des structures juridiques allant des artistes plasticiens aux sociétés de production, en passant par des centres d’art ou une SMAC labellisée. Son rôle est de rendre possible cette programmation et de mettre les lieux à disposition “en ordre de marche”. Elle dispose pour cela d’une grande diversité d’espaces dédiés au spectacle vivant et aux musiques actuelles, tels qu’une salle de 1 100 places, des plateaux (400 et 200 places), La Cartonnerie avec 2 000 m² au sol et jusqu’à 5 000 places, un toit terrasse de 8 000 m2 avec une jauge à 1 500 et de nombreux autres espaces
La Friche la Belle de Mai, inauguration du Petit Cab le 18 septembre 2025 – Photo © Pierre Gondard
Depuis une dizaine d’années, La Friche s’inscrit dans une démarche de transition écologique. Elle a déjà réussi à réduire sa consommation énergétique de 45 % depuis 2018. Une centrale photovoltaïque de 1 500 m² produit 25 % de l’énergie consommée sur le site. Un second projet de centrale de 800 m² est prévu pour 2026, portant la capacité de production à environ 35 %.
La Friche la Belle de Mai, inauguration du Petit Cab le 18 septembre 2025 – Photo © Pierre Gondard
La rénovation récente de sa salle Le Petit Cab illustre parfaitement cet engagement en devenant la première salle de musiques actuelles autonome et alimentée à l’énergie solaire grâce à une installation Pikip Solar Speakers. Ce nouveau lieu, porté collectivement par les structures de la coopération BISOU constituée de l’AMI, de Bi:Pole, du Cabaret Aléatoire, de Radio Grenouille & Euphonia et de la société coopérative Friche la Belle de Mai, accompagne les artistes et les professionnel.le.s dans leurs parcours : aide à la création, incubation, diffusion, médiation, professionnalisation, formation, digitalisation. Par cette gouvernance partagée et unique, la coopération BISOU s’inscrit dans une dynamique de transformation du secteur des musiques actuelles en considérant les urgences de transitions culturelles, technologiques, sociales, démocratiques et environnementales.
Photo © funklavie
“La rénovation du Petit Cab, une salle de 300 places, illustre parfaitement notre mission de redirection écologique et de démonstrateur pour la sobriété énergétique dans le secteur des musiques actuelles. Pour y parvenir, l’équipement scénique son, lumière et vidéo de la salle a été entièrement déconnecté du réseau principal et est désormais alimenté par des stations d’énergie reliées à des panneaux photovoltaïques, visant une autonomie énergétique de 95 %”, explique Yann Loric, directeur technique de La Friche. “Pour réussir ce projet, nous utilisons les solutions développées par l’entreprise locale PiKiP, avec laquelle nous avons déjà travaillé sur des formats festivals, et qui fournit l’intégralité de l’équipement nécessaire à l’autonomie énergétique et au système de sonorisation du lieu.”
Pour garantir l’autonomie énergétique du Petit Cab, quinze panneaux solaires ont été installés sur le toit. Ils sont eux-mêmes connectés à trois stations énergie SE10000, qui apportent chacune 10,2 kWh d’autonomie et 10 kVA de puissance. Elles permettent d’alimenter l’ensemble des équipements scéniques de la salle : lumière, son et régie. À noter que ces équipements sont mobiles pour offrir une modularité qui rend possible toutes les configurations, en intérieur comme en extérieur. Et pour garantir une continuité sans coupure, un système intelligent bascule ponctuellement sur le réseau. “La salle est conçue pour être autonome à 95 %”, explique Yann Loric. “La bascule sur le secteur n’intervenant potentiellement qu’entre mi-novembre et fin février si les batteries n’ont pu être correctement rechargées.”
Le Petit Cab – Photo © Isis Mecheraf
Le système de diffusion sonore se compose de six enceintes haut rendement VCH30 à courbure constante suspendues dans la salle pour assurer une couverture homogène. Elles sont dotées d’un pavillon conique-exponentiel à entrées multiples et proposent une directivité constante sur une bande de 85-18 000 Hz. Elles sont associées à deux subwoofers hybrides VTL218 à double résonateur, posés au sol devant la scène. Sur scène, six enceintes coaxiales pleine bande VCX12 assurent des retours précis pour les artistes. Tout ce système exploite seize canaux de quatre amplificateurs autonomes PikiP, brevetés et fonctionnant sur batteries.
La Friche la Belle de Mai, inauguration du Petit Cab le 18 septembre 2025 – Photo © Pierre Gondard
Avec cette nouvelle salle autonome, La Friche se positionne comme un laboratoire de l’innovation environnementale qui cherche non seulement à améliorer sa propre efficacité énergétique, mais surtout à influencer et à transformer durablement les pratiques de production artistique vers plus de sobriété. Elle fait œuvre de pédagogie auprès des technicien.ne.s et des artistes en les encourageant à travailler différemment. “L’objectif ultime est que, grâce au changement des pratiques, l’autonomie totale devienne possible, par exemple en se contentant d’une vingtaine de projecteurs pour éclairer un concert, comme c’est le cas dans cette salle avec un choix porté exclusivement sur la LED soutenable à haut rendement et à faible consommation excluant les projecteurs LED de très forte puissance”, poursuit Yann Loric. “Ceci exige un important travail de pédagogie auprès des professionnel.le.s afin qu’il.elle.s s’adaptent à des équipements moins gourmands. L’ambition de ce lieu est d’inciter les équipes artistiques à modifier leurs pratiques de production pour réduire la consommation, un effort qui s’inscrit dans la volonté de La Friche d’accroître son taux d’autoproduction d’énergie via des centrales solaires.”
La Friche la Belle de Mai, inauguration du Petit Cab le 18 septembre 2025 – Photo © Pierre Gondard
On pourrait voir La Friche comme un terrain industriel reconverti en jardin d’expérimentation culturelle et écologique. Au lieu de simplement consommer des ressources pour nourrir ses 70 pousses créatives, elle développe activement des systèmes d’irrigation autonomes (les panneaux photovoltaïques et les systèmes de stockage) tout en enseignant à ses jardiniers (les artistes et technicien.ne.s) comment cultiver la beauté et l’expérience en utilisant moins d’eau et de lumière artificielle, garantissant ainsi la viabilité à long terme de l’écosystème entier. “L’objectif est d’être un moteur de changement d’usage et d’être ‘irréprochable’ sur les consommations énergétiques”, conclut Yann Loric. “Les rénovations du site, en chantier permanent, doivent viser le moins d’impact environnemental possible, en utilisant des matériaux sourcés et en favorisant le réemploi. La sobriété énergétique peut être aussi perçue comme un avantage de communication aujourd’hui, mais aussi comme une nécessité future, en prévision de l’introduction potentielle de budgets carbone par des financeurs comme la DRAC, qui pourraient impacter les budgets de création.”
