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La scénographie plébiscitée du Musée Dobrée de Nantes

Une année après sa réouverture

Après la venue de près de 130 000 visiteur.se.s uniques, le Musée Dobrée à Nantes célèbre d’ici quelques jours sa première année de réouverture publique. Fermé le 3 janvier 2011, il s’est ensuite passé huit années d’études et de travaux depuis le 4 juillet 2017, date de la reprise du projet par les Ateliers Adeline Rispal et l’Atelier Novembre, suite à une première annulation. Les Nantais.e.s, les Pays-de-la-Loire ainsi que le monde des musées et autres curieu.x.ses se sont emparé.e.s des riches collections et des nombreux outils de médiation mis à disposition. En attendant la deuxième phase de réouverture du bâtiment en automne prochain, dédiée aux expositions temporaires, les jours heureux du musée se prolongent.

Musée Dobrée à la tombée du jour – Photo © Roberto Giangrande : Musée Dobrée : Département de la Loire-Atlantique

Collections et inspirations

La toute première ouverture du Musée Dobrée date de 1899, marquant la fusion d’objets collectionnés en provenance de deux entités : d’un côté celle de la Société Archéologique et Historique de Nantes et de Loire-Inférieure et de l’autre celle de Thomas II Dobrée, à la riche collection de près de 10 000 œuvres et documents. La réouverture en 2024 à l’occasion de la Nuit européenne des musées est marquée par la volonté d’intégration des avancées de la muséographie des musées scientifiques. Alors que les Collections Dobrée touchent près de 500 000 ans d’histoire et 130 000 objets, la tâche était grande pour les 2 000 m² d’exposition permanente. Pour y répondre, les Ateliers Adeline Rispal proposent une scénographie articulée en deux axes.

Coupe longitudinale du bâtiment – Document © Ateliers Adeline Rispal

Propos recueillis auprès d’Adeline Rispal lors d’un entretien téléphonique le 3 février 2025

Adeline Rispal : Il y avait à la fois la volonté d’avoir un musée de collections, puisque nous voulions une maison de collectionneurs, qu’elle y ressemble avec tout l’aspect romantique qu’elle contient […] et une volonté de médiation approfondie, et s’ouvrir à de nouveaux publics et ses attentes. J’ai donc suggéré que les modalités, telles que les manipulations à l’image de la Cité des Sciences, et donc du musée scientifique soient intégrées.

Schémas dans le cadre du concours en 2017 pour le Musée Dobrée – Document © Ateliers Adeline Rispal

La Maison Dobrée

À l’époque de la fusion des collections, le Musée départemental Thomas Dobrée s’installe dans le tout récent Palais Dobrée, un édifice néo-médiéval achevé en 1895 qui accueille la double fonction de lieu de résidence de Thomas II Dobrée et d’espace d’exposition de ses collections. Si les chantiers du Musée l’ont ouvert vers la ville, grâce à ses deux entrées vers la ville, son jardin et ses espaces d’accueil qui ont pris place dans le bâtiment Voltaire plus récent, c’est le Palais Dobrée qui accueille les 2 400 objets sélectionnés de la collection permanente.

Escalier d’honneur dans le hall de la Maison Dobrée – Photo © H. Neveu-Dérotrie

Galerie céramiques – Photo © Département de Loire-Atlantique – Roberto Giangrande

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ses circulations ont été redessinées et se sont structurées autour du grand escalier d’honneur rénové, qui constitue la colonne vertébrale des espaces d’exposition permanente. Les grands plateaux ainsi distribués très librement, accueillent la métaphore de la maison comme concept de la scénographie que développe les Ateliers Adeline Rispal. Emmené par Julie Pellegrin, conservatrice du patrimoine et directrice de la régie Grand patrimoine Loire-Atlantique, le projet du Musée se veut inclusif et durable, c’est-à-dire à la conquête de publics plus ou moins “éloignés”, voire des publics “empêchés”. La Maison Dobrée se dote dès lors de plusieurs dispositifs de manipulations sensorielles et expérimentales avec, entre autres, ses mobiliers muséographiques qui reprennent les codes de présentation des objets dans les salons de collectionneurs : accumulation et superposition d’objets, tables surchargées de vitrines superposées, boîtes d’objets qui s’éclairent en les ouvrant mais aussi des tables de médiation et d’expérimentation qui mènent à l’écoute, le toucher, la manipulation et la résolution d’énigmes. Cela permet de proposer l’accessibilité des objets, disposés très proches des visiteur.se.s.

Vitrine Préhistoire au niveau N-1 – Photo © H. Neveu-Dérotrie : Musée Dobrée – Grand Patrimoine de Loire-Atlantique © Ateliers Adeline Rispal

Propos recueillis auprès de Marina Simon-Gallé, responsable de l’Unité productions culturelles du département de Loire-Atlantique

Marina Simon-Gallé : Nous touchons au système d’appropriation des objets grâce à différents sens, avec une approche ludique. Forcément, en manipulant l’objet, c’est l’épaisseur de vie du visiteur qui est convoquée et là c’est sa trame narrative qui prend le dessus. C’est une porte d’entrée assez facile à tous les types de visiteur.se.s.

En résumé, pas d’attirails de cartels et de textes mais des choses simples, avec des endroits de calme, méditation et apprentissage comme à la maison dans son fauteuil.

Un lieu de vie plébiscité des publics

La célébration de l’ouverture se pérennise alors dans les mots de Marina Simon-Gallé, contactée à l’approche de l’anniversaire : “Les visiteur.se.s de la Maison Dobrée soulignent le soin apporté aux matériaux qui avaient notamment pour but de signifier la domesticité des espaces de la cave aux greniers. Les visiteur.se.s sont très sensibles à la qualité des matériaux utilisés, au souci du détail, et plébiscitent les assises, tout comme l’âme du lieu”. La Maison Dobrée est effectivement devenue un lieu de vie grâce aux jardins gratuits, son café et ses grands fauteuils où les gens s’installent avec le début du printemps. Si les espaces du nouveau site Musée Dobrée sont confortables et accueillants, les aménagements scénographiques de médiation tels que les tables de jeu et tables sensorielles sont largement appréciées.

Vitrine Bijoux au niveau N+1 – Photo © H. Neveu-Dérotrie : Musée Dobrée – Grand Patrimoine de Loire-Atlantique © Ateliers Adeline Rispal

Marina Simon-Gallé relève la qualité du concept du parcours à la carte : “Nous avons de très bons retours dans la diversité des approches des dispositifs de médiation, que ce soit l’approche des collections sans médiation comme tous les autres outils proposés aux visiteur.se.s”. Il reste encore à pérenniser la venue des publics. Si “à l’ouverture, les publics voulaient voir tout très vite, il a fallu attendre six mois pour tomber dans un rythme de visite plus classique”, rappelle Marina Simon-Gallé. Il s’agirait ainsi de reprendre un des axes des Ateliers Adeline Rispal, qui rappelle, lorsqu’elle a dessiné les circulations au sein du parcours, “la volonté de pouvoir faire le Musée en plusieurs fois”.

Vitrines Grèce et Étrurie au niveau N+2 – Photo © H. Neveu-Dérotrie : Musée Dobrée – Grand Patrimoine de Loire-Atlantique © Ateliers Adeline Rispal

Des secrets encore à partager

La Maison Dobrée n’a pourtant pas encore dévoilé tous ses secrets. En effet, les salles d’exposition temporaire, qui se trouvent dans l’ancien Manoir épiscopal de la Touche érigé au XVe siècle et prolongé dans le cadre des travaux, n’ont pas encore été ouvertes aux publicset ouvriront seulement en octobre prochain. Marina Simon-Gallé explique : “Nous ne voulions pas d’un musée qui soit dans la consommation. Nous avons fait le choix de savourer notre première année et de bien prendre en main l’outil avec les publics avant de faire de nouvelles propositions”. Ce sont alors près de 400 m² d’exposition temporaire qui ouvriront et se renouvelleront une fois dans l’année seulement pendant la période hivernale. Les visiteur.se.s de la Maison Dobrée comprendront alors le clin d’œil de la thématique de cette future exposition tant il a été l’objet de rêves et de convoitises(1) : le cœur. Illuminant l’un des trois plateaux du Palais Dobrée qui accueille le parcours permanent, le célèbre écrin funéraire du cœur d’Anne de Bretagne ne se déplacera pas au Manoir, il y continuera son scintillement.

En attendant l’ouverture des nouveaux espaces temporaires, L’esprit de curiosité de Julie Pellegrin et Pierre Fardel, qui présente les collections du Musée Dobrée, vient d’être publié aux Éditions Grand Patrimoine Loire-Atlantique.

(1).  www.musee-dobree.fr/44/musee-et-collections/l-ecrin-funeraire-du-coeur-d-anne-de-bretagne/dobree_6459

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