Prémices d’une ère nouvelle
Toutes les photos sont de © Patrice Morel
Venelles, 8 352 âmes, à mi-chemin entre Marseille et Manosque, entre les contreforts alpins et le bassin aixois, vient de façonner un pôle culturel sur mesure à échelle humaine. Fruit d’une réflexion collective associant les citoyennes et citoyens ainsi que le regard précieux de la maîtrise d’usage, L’Étincelle est un lieu impeccablement pensé et bâti. Paul Marion, architecte associé de l’atelier King Kong, et Timothée Lequai, scénographe et co-directeur associé de l’agence Kanju, qui n’en sont pas à leur coup d’essai en matière de conception de lieux culturels, ont présidé à la destinée de ce lieu du côté de la maîtrise d’œuvre.

Parvis principal, entrée publique
Médiathèque face au jardin urbain
Nous sommes cueillis par un jardin d’enfants. Les abords sont soignés. Depuis le parking, une charmante petite allée de pierres se dessine pour atteindre la belle bâtisse blanche placée à l’épicentre du village. Catamaran de béton clair autour de ce jardin urbain, les accès sont multiples. Nous entrons par l’est, parvis nord où la médiathèque et sa salle d’études ont pignon sur rue et où les espaces de pratiques musicales comprennent un accès autonome. Le hall d’accueil nous fait face. Façades entièrement vitrées sur le jardin, les espaces sont beaux et accueillants, ancrés et aériens à la fois. La visite et la conversation avec Priscilla Diana débutent à la médiathèque. Conçue comme un tiers lieu, très ouverte, aux espaces très confortables et au mobilier élégant, elle consacre un rayon à la question du développement durable, point fort du projet dans son ensemble. Ce rayon fait face à un patio végétalisé à la manière d’un jardin zen dont les premières pousses laissent imaginer la structure. Un atelier, dans lequel se déroule les animations et l’échange de savoirs, et une salle d’étude ne désemplissent pas. Collégien.ne.s, lycéen.ne.s, étudiant.e.s sont venu.e.s réviser en période d’examen. La salle d’étude est accessible aux horaires d’ouverture de la médiathèque et le sera sur réservation par l’intermédiaire d’une plate-forme en dehors de ces horaires (jusqu’à 23 h) grâce à un accès autonome depuis la rue.

Jardin urbain
Un espace musique
Ce double accès ouvre sur les espaces musique, également accessibles par l’extérieur à l’aide d’un QR code. Des boîtiers devant chaque porte permettent de sécuriser l’accès à un grand studio d’enregistrement réservable sur une plate-forme. Son usage est accompagné d’un régisseur technique. À ses côtés, plusieurs locaux de pratique musicale, un espace collectif, trois studios individuels et une salle dédiée à la musique assistée par ordinateur. L’étude menée entre 2019 et 2020, à la demande de la Ville, sur un échantillon de 115 personnes et dix associations par l’association Les Simone’s et Laurence Hébrard, codirectrice de la scène de musiques actuelles le 6MIC (AS 233), avait pour objectif de dresser un panorama des pratiques musicales à Venelles afin de connaître les habitudes du public, les instruments pratiqués, les lieux de pratique, les opérateurs. En conclusion, le rapport confirme la qualité des enseignements, le développement des pratiques et insiste sur le manque de locaux permettant de développer des projets originaux en concertation avec le vivier associatif. L’espace musique répond en tous points à ces recommandations.

Pergola en extension à l’avant du hall principal
Deux salles aux noms de femmes
Destiné à devenir un café culturel, le hall central distribue les accès à la médiathèque, aux parvis nord et sud, au patio et aux deux salles de spectacle. La salle Grace Kelly doit son nom au passage de l’actrice à Venelles. Il est raconté et inscrit sur une plaque à l’entrée de la salle qu’en 1958, un photographe fit venir un dromadaire et un bédoin algérien qu’il abandonna au village. Grace Kelly le rencontra faisant la manche au sortir de la messe et, touchée par son histoire, l’emmena à Monaco. 98 places assises, 330 places debout une fois les gradins rétractés, c’est l’espace le plus polyvalent du lieu. Le gril occupe tout l’espace. Au lointain, nous pouvons retrouver la lumière du jour. C’est une salle qui accueille les pratiques artistiques en milieu scolaire, les ateliers de pratiques théâtrales. La salle Joséphine Baker – dont le nom finit d’imposer la touche féminine et a été choisi en écho à la profonde amitié entre elle et Grâce Kelly – sur le même versant, de l’autre côté du patio, a une capacité de 350 places assises et 650 places debout. Elle est accessible par le hall central et est équipée d’un écran géant amovible et de gradins modulables. Fabien Morand, directeur technique, nous rejoint pour la visite. Des points d’ancrage ont été pensés pour les accroches d’agrès pour les arts du cirque. Une grande loge et deux petites s’ouvrent sur une terrasse panoramique d’où nous apercevons la montagne Sainte-Victoire et le vieux village. Une buanderie et un espace catering parfaitement pensé viennent en prolongement. Le passage d’une salle à l’autre s’effectue par une coursive extérieure abritée à l’arrière du patio facilitant les circulations et permettant l’accès au quai de déchargement, y compris pour la petite salle. Le patio central a lui aussi été pensé avec des accroches. Il peut accueillir des événements. À l’étage, d’un côté un lieu d’exposition, de l’autre un ensemble de bureaux où les services Culture, sport et animation, dirigés par Sabine Grimault, sont regroupés. Toute la vie culturelle, jusqu’au tourisme vert, se retrouve en ces lieux.

Foyer haut, espace exposition, atrium
Un lieu durable
L’Étincelle a été pensée en lien avec l’urgence des mutations actuelles. Le pôle culturel a placé le développement durable au cœur de son projet. Le respect d’une charte écoresponsable s’impose à l’ensemble des manifestations, ce qui a valu l’invitation au témoignage de la commune dans de nombreux séminaires, de la Bibliothèque nationale de France à Genève et à Lyon. La conception bioclimatique du bâtiment et la maîtrise de la consommation énergétique sont à saluer. L’air sortant chauffe ou refroidit l’air entrant dans une centrale à double flux. Les grandes baies vitrées permettent de maximiser l’apport du soleil en hiver et des brise-soleil de le limiter en été. L’ensemble du bâtiment est chauffé et rafraîchi par une pompe à chaleur haute performance qui permet une gestion automatisée et indépendante des salles en évitant toute déperdition en période d’inoccupation. L’éclairage est exclusivement en LED, doté de détecteurs de présence dans les espaces de circulation et équipé d’horloges pour assurer l’extinction automatique de l’équipement la nuit. Une centaine d’arbres a été plantée aux abords (tilleuls, marronniers, oliviers, frênes, magnolias, aulnes de Corse, chênes verts, peupliers blancs, érables de Montpellier, …). Les jardins sont pourvus de plantes méditerranéennes peu gourmandes en eau. Un paillage en BRF (Bois raméal fragmenté) permet de maintenir l’humidité des sols et limiter les apports hydriques pour les végétaux. Chaque mois, à la médiathèque, un atelier participatif – la Fresque du climat – est organisé pour sensibiliser les habitant.e.s aux problèmes climatiques.

Loge collective
Le pari de l’intelligence collective
De nombreuses visites de salles de spectacle ont présidé à la conception du pôle culturel et tous les détails ont été soignés. Tout est pensé dans les moindres détails. L’escalier rejoint la régie pour aller dans les passerelles, le quai de déchargement, les garde-corps qui s’ouvrent vers la passerelle pour l’accroche des projecteurs et accroître la sécurité, la coursive extérieure. La maîtrise d’usage a été associée à l’ensemble des conversations et des décisions. Nous avons souvent écrit dans ces colonnes combien il était essentiel d’associer les usagers aux réflexions dès la conception des lieux. L’Étincelle fait figure d’exemplarité en la matière. Le projet initié en 2011 par Anne-Flore de Valence, alors directrice du service culturel, a été ensuite soutenu et mené par Sabine Grimault qui l’a remplacée sur le poste. Kanju a été associée au projet dès le départ.

Coupe longitudinale des 2 espaces de diffusion – Document © Atelier d’architecture King Kong
L’Étincelle a un visage humain. Deux ans et demi de travaux, près de cinquante ouvriers et artisans en simultané, vingt-cinq visites de chantier destinées aux publics et aux professionnels, des ateliers participatifs, 435 propositions de noms par les habitants. Les espaces sont impeccablement pensés et le lieu impressionne par sa justesse. Nous terminons la visite totalement enthousiaste, avec en tête les mots de l’équipe qui nous a raconté le lieu. “Nous n’avons pas encore terminé la fiche technique, il faut la soigner, être précis. C’est important car elle reflète l’image du lieu.” Nous aimerions entendre cela plus souvent.

Plan de détails de la grande salle – Document © Atelier d’architecture King Kong

Plan de niveau du rez-de-chaussée – Document © Atelier d’architecture King Kong
- Architecte mandataire : Atelier d’architecture King Kong
- Architecte cotraitant : LLA Architectes
- Agence de scénographie : Kanju
Financement
- Budget de construction : 9 M€ HT
- Co-financeurs : État/DRAC, Département 13, Métropole AMP
- Budget incluant la maîtrise d’œuvre et l’acquisition des terrains : 11,27 M€ HT
- En détails : Montant total : 11 277 320 € HT
- 9 % co-financement État : 1 065 656 € HT
- 43 % co-financement CD13 : 4 867 500 € HT
- 23 % co-financement Métropole : 2 645 279 € HT
- 24 % co-financement Commune : 2 698 885 € HT
- En détails : Montant total : 11 277 320 € HT