Si vous êtes dans une phase de migration ou de mise à jour de votre système de contrôle d’éclairage, cet article vous aidera certainement dans la préparation des ces opérations. Ces lignes n’ont pas la prétention d’être la solution unique mais plutôt de vous offrir une check-list des points à vérifier avant de vous lancer dans le projet d’installation d’un réseau lumière. Que ce soit pour un théâtre, un centre commercial, un éclairage dynamique sur un bâtiment public, cette méthodologie vous aidera dans l’écriture de vos besoins et dans les relations avec les différents intervenants de cette installation.
Procéder par étape
Pour une lecture plus aisée de la suite de cet article, voici un petit lexique pour vous éclairer :
- Node : appareil utilisé pour convertir un protocole réseau en DMX, et réciproquement ;
- Switch : multiprise intelligente permettant d’interconnecter les équipements réseau afin qu’ils communiquent entre eux ;
- Splitter : équipement permettant d’amplifier le signal DMX et de le répartir sur plusieurs lignes distinctes.

Exemple de segmentation par VLAN pour séparer les protocoles. Le trunk est un lien transportant plusieurs VLANs – Photo © Fabrice Gosnet
Par où commencer ?
Commencez par lister vos besoins en termes de points d’éclairage nécessaires. Puis, listez les points de connexion dont vous aurez besoin pour rendre votre installation pratique à l’usage. C’est ici que s’initie la communication avec l’équipe en place et les prestataires techniques qui pourront potentiellement intervenir sur votre installation ; leurs retours seront très utiles. Ensuite, et en fonction de ces résultats, listez les besoins que vous aurez en termes de choix et de localisation du contrôle. Il faut anticiper le fait que le réseau lumière puisse être contrôlé par différentes sources (gestion technique du bâtiment, console, contrôleur mural, ordinateur distant, …) et que ces contrôleurs puissent avoir la capacité nécessaire pour ce contrôle. Il est nécessaire également d’anticiper le fait que ces contrôleurs puissent être déplacés pour les besoins de certains types d’événements ; cela implique de rajouter des points de connexion aux endroits stratégiques. La solution technique de contrôle devra bien évidemment être adaptée aux compétences techniques des utilisateurs.
Maintenant que les besoins et le niveau technique souhaité ont été listés, il est temps de passer à la phase design. C’est ici que les équipements connectés au réseau vont être sélectionnés. Dès cette phase, il faut également prendre en compte les divers endroits où ces équipements vont pouvoir être installés. Souhaitez-vous tout centraliser dans des racks ou des armoires, ou le manque de place vous oblige-t-il à utiliser des éléments actifs en fin de ligne ? C’est cette contrainte qui dirigera le choix technique des équipements et le type d’infrastructure qui en découlera.

Différentes marques de switches Ethernet : Cisco, dédié aux informaticiens, Agora Networks tourné clairement vers les utilisateurs audiovisuels et Netgear avec sa gamme hybride (IT/AV)
Une question revient régulièrement et en particulier avec les installations réseau lumière : faut-il mettre les éléments actifs sur les ponts de perches ou bien les installer dans des racks ? La réponse est plutôt simple : tout dépend des accès ! Prenons l’exemple d’un node qui alimentera, depuis le réseau, les projecteurs avec le signal DMX. Si vous installez un node sur une perche mais que le seul moyen d’accès soit une nacelle, mieux vaut l’installer dans un rack et tirer des câbles jusqu’aux perches. C’est ce genre d’analyse qui vous guidera vers le format de vos produits – rackable, mural, accrochable en pont – ainsi que leurs moyens d’alimentation – locale ou PoE (alimentation par le câble réseau).
Les protocoles
La plupart du temps, le type de contrôleur utilisé imposera le protocole lumière à utiliser. Beaucoup de protocoles sont aujourd’hui disponibles : ETCNet, StrandNet, HogNet, TitanNet, ChamNet, Kinet, MANet, et plus encore. Mais tous sont des protocoles propriétaires. Aujourd’hui, deux se distinguent sur les réseaux lumière : Art-Net et sACN.

Pour les connexions au plateau ou pour tout branchement/débranchement régulier, privilégiez plutôt des connecteurs endurcis tels que l’etherCON et l’opticalCON de chez Neutrik ou équivalent
Le premier, créé il y a une vingtaine d’années par Wayne Howell (visionnaire et fondateur de la société Artistic Licence), fut très rapidement adopté du fait de sa nature : Art-Net est open source, comprenez gratuit à utiliser. Il fut ainsi adopté par de nombreux constructeurs, ce qui en fit logiquement le standard de fait dans l’industrie. Il est extrêmement puissant mais a été développé par un ingénieur pour être utilisé par des ingénieurs ! Son système de numérotation des univers (ligne DMX) est basé sur l’hexadécimal (commence par zéro) et le manque de formation des utilisateurs par le passé lui a valu une image “non conviviale”. Aujourd’hui, grâce aux nombreuses formations disponibles sur le sujet et aux améliorations apportées dans les menus des équipements réseau lumière, Art-Net est beaucoup plus facile à utiliser et reste l’un des protocoles les plus puissants du marché. L’un de ses plus gros défauts connus est sa méthode de diffusion par défaut : le broadcast (ou diffusion globale). Chaque paquet émis par le contrôleur se répète à tous les ports actifs du switch sur lequel le contrôleur est branché. En fonction du nombre d’univers émis, cela peut poser problème à certains équipements qui se verront “arrosés” de paquets non sollicités. Heureusement, Art-Net peut également fonctionner en unicast (un seul destinataire à la fois) ou être isolé dans un VLAN (Virtual local area network).
L ’alternative gratuite d’Art-Net se nomme sACN (Streaming over architecture for control network). Ce protocole est le résultat du travail conjoint d’une alliance de constructeurs, régie par l’ESTA (Entertainment service and technology association) et le CPWG (Control protocol working group). Il a permis entre autres de pallier les problèmes connus d’Art-Net, en commençant par l’univers 1 et en utilisant le multicast comme méthode de diffusion par défaut. Cependant, et pour tirer pleinement parti de ce protocole, les switches que vous choisirez devront offrir la gestion des flux multicast (IGMP Snooping). Au-delà de vingt à trente univers DMX, privilégiez d’utiliser des switches administrables offrant cette fonction, en particulier pour protéger les équipements ayant un petit processeur.
Les nodes
Ces convertisseurs sont les boîtiers de sortie DMX du protocole réseau émis par votre contrôleur. Leur prix varie en fonction de leurs fonctionnalités et de leur application. Les points les plus importants à vérifier dans un node sont :
- La compatibilité avec des protocoles tels qu’Art-Net, sACN et RDM (Remote device management) ;
- Une isolation optique et galvanique qui vous permettra de protéger l’électronique des éventuels problèmes électriques sur la ligne DMX. Ceci vous permettra également d’utiliser les nodes en tant que splitters, réduisant ainsi le coût de votre installation.
Concernant RDM, protocole qui vous permet d’administrer à distance les projecteurs (adresse, mode, …), il faut vérifier que la console soit compatible avec le modèle de node que vous planifiez d’utiliser, principalement au niveau du protocole employé pour transporter RDM depuis la console vers le node, par exemple Art-Net. Idéalement, votre contrôleur devra être compatible RDMNet dans le futur, le nouveau standard pour le transport du RDM via le réseau. La pandémie a malheureusement ralenti l’adoption de ce protocole fraîchement ratifié. Attention, certaines marques de consoles n’offrent le RDM depuis leur interface que via des nodes de même marque ! Pour le câblage, RDM n’utilise que trois broches, vous pourrez donc continuer à utiliser vos câbles DMX.
Pour finir, il est toujours pratique que vos nodes puissent mélanger différents univers provenant de contrôleurs différents, par exemple pour un événement ; privilégiez des nodes qui offrent des fonctions de mélangeurs HTP ou LTP.
Maintenant que tous les besoins ont été listés, il est temps de concevoir l’architecture principale de votre réseau.
Réseau convergé ou réseau simple ?
Cette question aura un impact non négligeable sur le coût global de votre installation mais aussi sur sa gestion. La question va principalement se poser en fonction du type de contrôle que vous allez employer. Si votre système n’utilisait qu’un type de protocole, un réseau simple à base de switch non administrable ferait parfaitement l’affaire. Mais si vous prévoyez d’utiliser plusieurs protocoles (type MANet, ETCNet, Art-Net, sACN) en même temps, privilégiez alors d’utiliser des switches administrables. Ces switches vous permettront, par exemple, de segmenter votre réseau physique en plusieurs sous-réseaux logiques, communément appelés VLAN. Ainsi, vous pourrez séparer le réseau de contrôle des consoles (ETCNet, MANet, ChamNet, TitanNet, …) du réseau eDMX (Art-Net, sACN, …).
IT ou AV ?
Pour le choix des switches, tout dépendra de qui sera responsable de leur gestion. Si votre installation était greffée sur le réseau informatique du bâtiment, il faudrait alors s’appuyer sur leur infrastructure et la DSI (Direction du système d’information) en aurait la charge. Vous devriez alors leur communiquer vos besoins en termes de connectivité et de protocoles utilisés. Si votre équipe est en charge de l’exploitation et de la configuration, préférez des switches AV. La plupart d’entre eux sont préconfigurés pour un usage optimal des protocoles audiovisuels et offrent des interfaces simplifiées. Leur coût est cependant supérieur et est à prendre en compte dans votre sélection.
La majorité des systèmes de contrôle comme MA Lighting, ETC, Chamsys requièrent des connexions rapides, privilégiez donc au minimum des switches Gigabit.
Il est également recommandé de prendre des switches équipés de la technologie PoE. Cela vous permettra d’alimenter vos équipements compatibles directement depuis le câble réseau, simplifiant ainsi votre câblage. Si l’interface du switch le permet, vous pourrez également éteindre et rallumer un port PoE afin de redémarrer un équipement à distance. Pratique !
Fibre optique ou paire torsadée ?
La réponse est simple : tout dépend des distances à parcourir pour distribuer les flux et les types d’équipements qui seront utilisés. Si vos liaisons ne dépassent pas une longueur théorique de 100 m de bout en bout (idéalement 80 m), le câble réseau suffira amplement. Pour le type de câble, privilégiez une catégorie 6a au minimum, avec une isolation de type S/FTP ; votre installation sera prête pour les futurs usages en termes de trafic (10 Gbps maximum sur 100 m). Le câble réseau a également l’énorme avantage de pouvoir être utilisé pour transporter des signaux autres qu’Ethernet. Ainsi, des lignes DMX ou du contrôle de LEDs peuvent circuler sur ces liaisons via des convertisseurs ou des adaptateurs, sans passer par un switch. Il est possible d’utiliser une ligne le lundi pour une liaison réseau et la même le mardi pour distribuer du signal DMX. N’hésitez donc pas à tirer plusieurs lignes de paires torsadées entre vos locaux pour faciliter la distribution du signal. Si les distances sont supérieures et si vous souhaitiez apporter une immunité totale aux interférences électriques, privilégiez alors la fibre optique !

Ce réseau offre une redondance au niveau des switches, sources et liens réseau. Certains nodes offrent la redondance de lien DMX comme illustré – Photo © Fabrice Gosnet
Multimode ou monomode ?
La réponse est la même que précédemment : tout dépend des distances à parcourir pour distribuer les flux et des types d’équipements utilisés.
La fibre multimode conviendra parfaitement pour les distances jusqu’à 300 m pour du 10 Gbps et 550 m pour du 1 Gbps. Un conseil : interrogez les autres pôles de votre lieu pour connaître leur besoin et utilisez le même type de fibre qu’eux. Les techniciens vidéo privilégient par exemple l’usage de la fibre monomode.
Pour rappel, voici quelques données pour évaluer vos besoins en termes de trafic et d’équipements réseau :
- 1 Gbps = 1 000 Mbps ;
- 300 univers Art-Net : entre 60 et 70 Mbps ;
- Système de contrôle propriétaires tels que MA Lighting, Chamsys, ETC : utilisez du Gigabit (marron).
Pour la connexion, privilégiez le connecteur LC qui est le plus utilisé actuellement par les constructeurs.
Attention, une installation fibre optique nécessite idéalement un nettoyage par an.
Demandez également la recette du câblage (tests de performance) à votre installateur ; cela vous garantira l’installation au moment de la réception du chantier.
Connecteur IT ou endurcis ?
Pour toutes les connexions et panneaux de patchs à l’intérieur des racks, il est inutile d’utiliser des connecteurs endurcis. Des panneaux de patchs RJ45 informatique feront largement l’affaire. Vous pourrez même utiliser des équipements de réseau lumière directement équipés de port RJ45 pour la connexion DMX qui ne nécessiteront que des câbles de patch RJ45 et un adaptateur en fin de ligne. Finies les erreurs de soudure ou les inversions ! Pour les connexions fibre, privilégiez le connecteur LC, comme évoqué précédemment.
Quel niveau de sécurité ?
Ce point est probablement le plus onéreux car c’est le niveau de sécurité choisi qui définira le nombre de liens à tirer, d’appareils à interconnecter et le type de switch à utiliser. Plus une installation sera “sécurisée”, plus le coût de votre infrastructure sera élevé.
Vous avez dit redondance ?
Sous ce terme se cache le principe de sécuriser une installation, en doublant certains éléments. Il existe plusieurs niveaux de redondance :
- La redondance d’alimentation : c’est le premier niveau de secours qu’il ne faut pas négliger. Installer des onduleurs dans chacun de vos racks vous offrira une continuité de service pour le transport du signal pour un certain nombre de minutes en cas de coupure du courant. Certains équipements peuvent également offrir une double alimentation en interne, augmentant ainsi le niveau de redondance au niveau électrique ;
- La redondance de lien : certains équipements, et en particulier les switches, offrent la possibilité de créer des liens de secours. Ainsi, en cas de coupure du lien principal, le lien de secours prendra le relais. C’est le deuxième niveau de secours à ne pas négliger. Les switches administrables offrent le protocole RSTP (Rapid spanning tree protocol) pour créer ce type de redondance. Certains nodes offrent également la redondance de lien DMX ;
- La redondance de source : certains constructeurs de contrôleurs offrent la possibilité d’ajouter un secours au contrôleur principal. Le contrôleur de secours prendra automatiquement le relais en cas de défaillance du principal.
En suivant toutes ces étapes, votre réseau lumière bénéficiera des fonctionnalités dont vous aurez besoin et sera adapté à vos différentes applications, dans le budget que vous aurez alloué.