Stéréo

L’énergie brute

Le festival Montpellier Danse ouvrait ses portes cette année avec un événement très attendu, la dernière création de Philippe Decouflé, Stéréo.

Depuis 1981, d’abord sur l’impulsion de Dominique Bagouet, danseur et chorégraphe, puis dirigé par Jean-Paul Montanari, ce festival met en lumière la danse contemporaine française dans différents lieux de la ville.

Stéréo – Photo © Cie DCA

Stéréo – Photo © Cie DCA

Stéréo se donnait à l’Agora, un lieu aujourd’hui emblématique de la création chorégraphique contemporaine ; abritant la Cité internationale de la danse, il offre une salle de spectacle en plein air de 600 places ainsi que de nombreux espaces de répétition et de création.

On retrouve dans cette dernière création tous les éléments chers au chorégraphe et qui constituent sa marque de fabrique, la volonté réaffirmée de proposer et mettre en œuvre “un spectacle total” porté par une énergie galvanisante.

« Sur une base de trio rock–guitare, basse et batterie, je cherche une danse dessinée, organique, qui accueille l’acrobatie comme un complément jouissif et spectaculaire, une danse qui bondit et rebondit, qui fuse et qui jaillit, jusqu’à l’essoufflement. La forme est hybride, entre concert et spectacle, musique et danse ne font plus qu’un, ensemble », raconte Philippe Decouflé en note d’intention de sa nouvelle création.

Une attente orchestrée

Dès 21h30, les spectateurs commencent à prendre place dans les gradins, attendant patiemment 22h que la tombée de la nuit permette à la représentation de débuter.

Bercés par les mélodies des Ramones et de ABBA, ils découvrent le dispositif scénique.

Le plateau est alors très peu chargé, composé de trois podiums répartis de part et d’autre de la scène, ils serviront par la suite à accueillir le trio rock. Ces structures ne sont pas sans rappeler des flycases de transport, clin d’œil à la machinerie des concerts. Cinq tours lumière, totems-promontoires, sont disposées sur le plateau (deux à cour, deux à jardin, une au lointain). Ces quelques éléments bruts (construits à l’Atelier Devineau) sont comme suspendus à l’attente de leur utilisation. Ils suggèrent un vide qui, dans les prochaines minutes, se remplira et s’animera, de tableau en tableau, offrant aux spectateurs un spectacle puzzle et exponentiel, se dévoilant progressivement.

Des planchers de danse rouge et noir apportent au décor des couleurs acidulées. Leurs motifs géométriques, rappelant des touches de piano ou de synthétiseur, donnent une profondeur à l’espace, jouant sur des effets de perspective picturaux.

Au lointain, on peut apercevoir deux plans incurvés jaune et rouge dont on ignore encore la future utilisation et, à cour et à jardin, deux pendrillons transparents.

Le fond de scène est nu et la façade de l’Agora devient l’un des éléments du décor. Elle est ornée de diverses projections. Deux grands yeux fixent le public. Des pictogrammes, détournant les panneaux de signalisation, agrémentent également murs et fenêtres et invitent les spectateurs à danser et chanter, annonçant le show hybride qui se déroulera dans les prochaines minutes.

L’ensemble rappelle une esthétique des années 70, hommage au rock’n’roll, ouvrant une fenêtre sur le passé. On entendrait presque au loin le juke-box jouer Get It On des T. Rex.

Stéréo – Photo © Cie DCA

Stéréo – Photo © Cie DCA

Du vide au plein

A 22h, la scène s’anime. Durant l’heure et demie qui suivra, scénographie et mise en scène se compléteront, avançant parallèlement dans un troublant effet de miroir jusqu’au tableau final.

Inspiré du film documentaire Stop making sense de Jonathan Demme, retraçant un concert des Talking Heads, Stéréo grandit à chaque tableau, dévoilant de nouveaux éléments, personnages, mélangeant les genres et les styles jusqu’à former un tout dont l’entièreté n’est perceptible que dans les dernières minutes de la représentation.

Philippe Decouflé fait le choix de travailler à la fois avec des danseurs et des circassiens, offrant une chorégraphie aussi acrobatique que charnelle, le corps dévoilant tous ses possibles. Les artistes sont pluriels, ils chantent, dansent, portent, sautent, se balancent et se suspendent aux différents éléments du décor dont on découvre ainsi l’usage.

Chacun d’eux interprète de multiples rôles, changeant de costumes à plusieurs reprises, sous le regard des spectateurs, très légèrement dissimulés derrière les pendrillons transparents.

Ils sont portés par une formation musicale classique du rock’n’roll (guitare, basse, batterie) qui, loin de se cantonner à un accompagnement musical, participe au jeu et à la chorégraphie.

Le décor s’anime et évolue au gré du ballet hybride, déjanté et enlevé qui se joue sur scène.

Les deux plans inclinés disposés au lointain sont rapprochés à la face du plateau par des machinistes qui travaillent à vue et jouent avec les danseurs, évoquant de nouveau la logistique propre aux concerts de rock. À l’issue de ce mouvement de décor, on découvre une rampe de skate. Celle-ci sera l’un des piliers de la chorégraphie et un élément de bascule dans la mise en scène qui, à partir de là, ne fera que se développer, enchaînant les tableaux, tous plus spectaculaires les uns que les autres, multipliant les prouesses acrobatiques et chorégraphiques dans une débauche d’énergie.

Stéréo – Photo © Cie DCA

Stéréo – Photo © Cie DCA

Un accueil à anticiper pour un spectacle… pluriel

Comme la plupart des créations de Philippe Decouflé, ce spectacle exige une logistique et un espace conséquents.

Seize mètres d’ouverture par huit mètres de hauteur de scène utiles et treize mètres de profondeur sont nécessaires pour accueillir les 120 mètres carrés de plancher de danse.

La mise en scène hybride du spectacle impose d’anticiper à la fois un équipement lumière propre au spectacle vivant ainsi qu’une sonorisation de concert. Le montage de Stéréo nécessite trois services pour quatre machinistes, un cintrier, trois électros et un régisseur vidéo.

Stéréo – Photo © Cie DCA

Stéréo – Photo © Cie DCA

« Show must go on« 

La scénographie de Stéréo souligne encore une fois le savoir faire de Decouflé. En équilibre entre sobriété et excentricité, le décor accompagne, épouse et souligne la mise en scène. Il est constitutif de cette énergie foisonnante qui inonde le plateau et entraîne le spectateur, offrant aux danseurs et musiciens l’aire de jeu dont ils ont besoin pour transcender les corps et nous transporter dans cet univers rock, sensuel et débridé.

 

Mise en scène / Chorégraphie : Philippe Decouflé
Assistante chorégraphique : Alexandra Naudet

Directeur technique Cie DCA : Lahlou Benamirouche
Lumière et régie générale : Begoña Garcia Navas
Décor : Jean Rabasse, assisté d’Aurélia Michelin
Vidéo : Olivier Simola
Création costumes : Philippe Guillotel
Stylisme : Sabine Siegwalt
Costumiers : François Blaizot, Charlotte Coffinet, Catherine Coustère, Jean Malo
Régie lumière : Grégroy Vanheulle
Régie plateau : Anatole Badiali, Léon Bony
Régie son : Pascal Mondaz
Construction décor : Atelier Devineau
Accessoires : Guillaume Troublé

 

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