Pavi’Son

Scène basse consommation

Toutes les photos ont été prises au festival Coupure de Courant de Clermont-Ferrand, au printemps 2019

Pavi’Son est une scène mobile démontable en bois autonome en énergie, mise au point par un collectif de l’Est de la France. L’électricité nécessaire à l’amplification des musiciens est obtenue par la force des mollets de spectateurs volontaires pédalant sur des “vélectricyclettes” reliées à des batteries. Une façon de sensibiliser le public, mais également les artistes, à la sobriété énergétique appliquée au spectacle vivant.

La scène Pavi'Son - Photo @ Guillaume Pellerin

La scène Pavi’Son – Photo @ Guillaume Pellerin

Organiser un concert de rock sans brancher les amplis, ni même les lumières sur le secteur. Vous en avez rêvé ? Pavi’Son l’a fait !

Ce collectif constitué il y a un peu moins de dix ans dans l’Est de la France, entre Vosges et Moselle, est né de la volonté de ses membres d’allier musique et autonomie énergétique.

Nous souhaitions créer un pavillon destiné à amplifier naturellement le son, indique  Alex Bianchi, musicien et cofondateur du projet. Une première maquette a alors été réalisée par un acousticien, Julien Burke, et un menuisier-ébéniste, Jean Rapp”. Une autre personne spécialiste des questions énergétiques a rejoint le noyau de départ. L‘équipe cherche alors à mettre au point une technologie permettant aussi bien d’organiser “un concert dans les bois que dans une salle de sport, en parvenant à rattraper l’écho inhérent à ce type d’espace. Le tout en consommant le moins d’énergie possible”, complète Alexis Brouck, membre du collectif.

Un premier modèle grandeur nature est alors construit avec du bois des Vosges. L’objet, considéré par ses concepteurs comme un prototype, reprend le procédé acoustique de la demi-coquille de noix, ou du pavillon du gramophone, d’où l’appellation de “Pavi’Son”.

Charger des batteries en pédalant

Le dispositif se compose d’une petite scène en bois, circulaire et démontable (et donc transportable), de cinq mètres d’ouverture par quatre mètres de profondeur. Une paroi incurvée disposée derrière les artistes permet d’amplifier naturellement le son des instruments. “La structure en demi-dôme dirige le son vers un point donné, provoquant une réverbération. Cela fonctionne comme un instrument. Ça vibre un peu comme un violon”, illustre Alexis Brouck.

L’ensemble s’accompagne d’un système de sonorisation sur lequel peuvent être branchés des amplificateurs électriques pour guitare, basse, microphones et claviers et autres “machines”. Un modeste système d’éclairage scénique et d’ambiance composé de projecteurs LED accompagne l’ensemble.

Et les électrons dans tout ça ? Ils sont produits par des spectateurs volontaires, appelés à pédaler sur des cycles, permettant ainsi d’alimenter un jeu de batteries.

Le tout conçu avec du matériel de récupération et beaucoup d’ingéniosité. Trois à cinq “vélectricyclettes” permettent de produire l’énergie nécessaire au concert. “Nous utilisons des moteurs qui nous ont été fournis par la société vosgienne Wheel’e. Ils sont équipés de petits moteurs de vélos électriques, que nous utilisons à l’envers : nous récupérons la force du pédaleur pour créer de l’énergie qui est ensuite stockée dans les batteries. Énergie qui est ensuite envoyée vers un onduleur qui va convertir le courant en 220 volts”, détaille Alexis Brouck.

Les batteries doivent être remplies avant le début du concert. Et certains membres du public se prêtent volontiers à l’exercice. “Cela s’apparente un peu à une animation. Et permet de montrer concrètement que l’électricité ne vient pas de nulle part. Si les gens veulent de la musique, ils doivent faire travailler leurs mollets. Ils apprécient le concept et ça fonctionne très bien”, assure Alex Bianchi. “Ça amuse beaucoup les participants. Il faut arriver à trouver le bon rythme. Les enfants sont très demandeurs. Ils se dépensent et, dans un même temps, on peut leur expliquer comment on peut faire de l’électricité avec un vélo”, abonde Alexis Brouck.

Pour disposer d’électricité tout au long du concert, Pavi’Son est doté de batteries à décharge lente en plomb de 24 volts (un ou deux jeux de batteries sont utilisés en fonction de l’énergie nécessaire aux événements).

Selon les conditions climatiques et la configuration des événements dans lesquels il est amené à être installé, Pavi’Son peut être alimenté en électricité d’origine renouvelable, en étant branché à une petite éolienne ou à des panneaux photovoltaïques de 300 watts offerts par la société alsacienne Voltec Solar. Ce qui permet de soulager les pédaleurs. “Lorsqu’il fait 35° et en plein soleil, on peut quasiment fonctionner en autonomie durant tout un concert”, affirme Alex Bianchi.

La scène Pavi'Son - Photo @ Guillaume Pellerin

La scène Pavi’Son – Photo @ Guillaume Pellerin

Rock et sobriété énergétique

Les membres du collectif ont pour objectif d’être le plus sobre possible en matière de consommation d’énergie. “La puissance maximale offerte par Pavi’Son se situe entre 800 et 1000 watts crête / heure. Donc, pour un concert consommant 1000 watts, les batteries se déchargent rapidement. Nous essayons de viser plutôt les 400 à 500 watts en consommation réelle. Nous essayons de tirer les consommations vers le bas tout en proposant la meilleure prestation possible”, précise Alexis Brouck. Un tour de force, lorsque l’on sait qu’un concert de rock classique de 300 personnes peut consommer jusqu’à 25 000 watts !

Pourtant, aucune esthétique n’est exclue de la scène du Pavi’Son. “Des gens ont joué du punk, du rap, de l’electro sur Pavi’Son. Le volume sonore est très bon sur scène, mais les amplis ne doivent pas être trop gourmands. Il existe aujourd’hui des amplis modélisés assez économes ou des pré-amplis à lampes. On peut même faire du métal avec Pavi’son !”, assure Alex Bianchi.

En plus des publics, le dispositif permet ainsi de sensibiliser également les artistes. “Le principe est d’avoir un son équilibré sur scène, car on amplifie naturellement les musiciens.  S’ils n’ont pas un son équilibré, on ne peut rien faire, car la sono se trouve dans le pavillon. Si le batteur tape trop fort ça n’ira pas. Cela nécessite une petite formation des artistes, poursuit le co-fondateur de Pavi’Son. L’idée est aussi d’apprendre aux musiciens à gérer la technique et la technologie. De jouer autrement ensemble, en écoutant davantage les autres. Avec le Pavi’Son, on n’a pas besoin de retour. La clarté du son est remarquable. On s’entend très bien. 90 % des musiciens qui sont montés sur cette scène ont adoré.

Une satisfaction des artistes également constatée par Alexis Brouck : “Nous travaillons notamment avec le label musical Labophonic, qui est basé en Alsace. Certains de leurs musiciens ont testé le Pavi’Son. Ils se prennent parfaitement au jeu en adaptant leur matériel et leur façon de jouer au dispositif.

La qualité sonore est aussi liée à celle du matériel de sonorisation utilisé. En effet, le collectif Pavi’Son a noué un partenariat avec l’entreprise française Emison Acoustique qui conçoit des sonos basse consommation. Emison s’appuie notamment sur des amplificateurs et des DSP, processeurs destinés à traiter numériquement le son, dotés de la technologie Green audio power. Ce qui, selon le site internet d’Emison, “assure une faible consommation d’énergie électrique tout en développant une puissance de sortie audio importante”. “Nous constatons vraiment l’efficacité de ce matériel sur notre consommation d’électricité. Je vois la différence entre les sonos d’Emison et une enceinte auto-amplifiée qui est beaucoup plus gourmande en énergie”, certifie Alexis Brouck.

Les "vélectricyclettes" - Photo @ Guillaume Pellerin

Les « vélectricyclettes » – Photo @ Guillaume Pellerin

Vers une version “améliorée” de Pavi’Son

Pour l’heure, le dispositif Pavi’Son est proposé à la location par le collectif à des collectivités locales ou à des associations culturelles souhaitant organiser des manifestations de jauges modérées (concerts, pièces de théâtre mais aussi conférences avec projections vidéo).

Outre le matériel, pour faire fonctionner le système, l’équipe de Pavi’Son met à disposition de leurs “clients” un technicien son, un technicien plateau et deux  animateurs / techniciens chargés d’encadrer l’utilisation des “vélogénérateurs”. Le tarif de la location dépend beaucoup de la distance à parcourir, Pavi’Son étant transporté en camion, mais aussi de la nature de la prestation demandée. Le collectif pouvant même proposer aux organisateurs d’événements un panel d’artistes disposés à se produire sur la scène basse-consommation.

Si Pavi’Son a désormais acquis une véritable notoriété, particulièrement dans l’Est de la France, son territoire d’origine, le dispositif est encore considéré par ses concepteurs comme une version d’essai à améliorer. “C’est un projet très plaisant. Mais c’est du boulot ! Aujourd’hui, notre Pavi’Son se compose de six gros panneaux en bois et d’une scène, que nous sommes contraints de transporter dans un camion. Nous aimerions concevoir une seconde version plus compacte de Pavi’Son que nous pourrions faire tenir dans une remorque, et ainsi réaliser des économies de carburant”, commente Alexis Brouck. Et ainsi gagner encore davantage en sobriété.

Panneaux photovoltaïques de 300 watts - Photo @ Guillaume Pellerin

Panneaux photovoltaïques de 300 watts – Photo @ Guillaume Pellerin

Le collectif est donc à la recherche de partenaires, notamment financiers, mais aussi techniques (ingénieurs) qui pourraient l’aider à améliorer encore son outil. “Nous aimerions pouvoir développer ce type de scènes et pouvoir les démocratiser. Notre démarche est purement écologique. Nous sommes un peu inclassables, car nous ne sommes ni des loueurs de son, ni des diffuseurs artistiques. Et nous avons du mal à obtenir des subventions”, déplore Alex Bianchi. L’offre proposée par Pavi’Son pourrait cependant rapidement s’imposer. À l’heure où une partie du monde du spectacle, et en particulier des musiques actuelles, réfléchit à la façon de réduire ses impacts sur l’environnement, tout en proposant des formats plus intimistes à ses publics.

 

Contact sur www.pavison.org

 

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