Matériauthèque pour l’écoconception

La matériauthèque de l’Amat fête ses dix ans d’existence. Cette base de données unique en France recense des matériaux pouvant être utilisés par les professionnels du spectacle et de l’événementiel, pour écoconcevoir des décors, des dispositifs scénographiques ou encore des stands.

À l’heure où les notions d’“impacts environnementaux” et d’“écoconception” sont sur toutes les lèvres, l’Amat fait figure de pionnière. Cette association a constitué depuis une dizaine d’années une “matériauthèque” spécialement dédiée aux professionnels de l’événement et du spectacle vivant. Une mine d’informations qui référence aujourd’hui quelques deux cents produits, réutilisables, réemployables et/ou recyclables, pouvant être utilisés pour la fabrication de décors ou l’aménagement de salons.

Favoriser la circularité

Une aventure “non-lucrative” débutée en 2008 par Jacques Rouge, consultant en écoconception et fin connaisseur du monde du spectacle, et Alain Masmondet, président de la FFM2E (Fédération française des métiers de l’exposition et de l’événement) de 2006 à 2009. Tous deux sont, depuis longtemps, sensibles au fait que les secteurs de la culture et de l’événementiel consomment et jettent une grande quantité de matériaux. Aucune distinction n’est faite entre les événements à vocation commerciale (salons, grands événements sportifs, grands spectacles, …) et ceux organisés par des institutions publiques (théâtres, opéras, musées, …). “Une grande partie des produits que nous proposons avec l’Amat peut aussi bien être utilisée pour des salons que pour réaliser des décors de spectacle. Les ateliers des opéras utilisent des quantités de matériaux qui n’ont rien à envier à celles de l’événementiel”, souligne Jacques Rouge.

Jacques Rouge et Alain Masmondet entreprennent alors de recenser les ressources écoresponsables disponibles sur le marché. Une démarche qui aboutit à la création de l’Amat en 2012. Depuis, cette organisation est devenue une référence et rassemble des acteurs majeurs de l’économie circulaire appliquée, ou non, à la culture et à l’événementiel : citons notamment ArtStocK, plate-forme dédiée au recyclage de décors du spectacle vivant, la Réserve des arts, structure spécialisée dans le réemploi de matériaux à destination du secteur culturel, le Synpase (Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel scénique et événementiel), l’École nationale supérieure des Arts décoratifs ou encore l’organisme de filière Éco-événement.

Des fiches produits détaillées

L’Amat est “une base de données comprenant uniquement des produits écoresponsables, dans le but de faciliter la vie des concepteurs”, résume Jacques Rouge. “Ils peuvent y trouver directement ce dont ils ont besoin, sans faire de recherches.” Les produits y sont classés selon cinq grandes familles d’usages : “revêtements de sol”, “parois et plafonds”, “éclairage et bâtiment”, “signalétique” et enfin “décors et accessoires”. À titre d’exemple, l’entrée “parois et plafonds” comprend plus de quatre-vingts références précises, allant de simples plaques d’OSB à des panneaux en polycarbonate de type “nids d’abeille”, en passant par de multiples cloisons composées de matières “biosourcées” (lin, fibres de bois, …). Une centaine de sous-catégories permet également de faciliter l’identification des matériaux (“100 % naturel”, “scénographie”, “mobilier”, …).

Extrait de la page “Décors et accessoires” amat-materiautheque.fr

Fablab Villette Makerz

Les adhérents peuvent accéder aux fiches complètes des produits décrits. Particulièrement détaillés, ces documents sont de véritables cartes d’identité des matériaux, tant au niveau de leurs caractéristiques techniques et d’usages que de leur durabilité. Ainsi, une fiche relative à des panneaux décoratifs en liège indique, par exemple, que ce matériau possède “2 x 3 vies” c’est-à-dire qu’il est “réutilisable, réemployable, recyclable, revalorisable”, précise l’Amat sur son site Internet. Une information précieuse pour qui souhaiterait se diriger en priorité vers des éléments qui tiendront dans le temps. Notons à ce propos qu’un matériau possédant “1 vie” est considéré par l’Amat comme étant simplement “recyclable ou revalorisable après utilisation unique”. À l’inverse, ceux pouvant disposer de “4 vies multiples” disposent, selon la matériauthèque, d’une “très longue durée de vie garantie par le fabricant” et sont recyclables “après déconstruction”. Certains produits peuvent donc être issus de la pétrochimie et seront soit recyclables soit fabriqués à base de matières recyclées.

La fiche mentionne les dimensions de chaque élément référencé, les coloris disponibles, son conditionnement ou encore sa résistance au feu mais également sa mise en œuvre et son entretien. Une courte “analyse environnementale” précise ses qualités au regard du développement durable (100 % recyclable, biodégradable en fin de vie, …). Le nom et les coordonnées du fabricant et/ou de son distributeur sont enfin indiqués. Ces documents, qui sont parfois d’une grande précision, peuvent même être utilisés “pour constituer des dossiers d’appels d’offre”, selon Jacques Rouge.

Un travail de recensement

La présence d’un produit dans la matériauthèque de l’Amat ne doit rien au hasard ; elle est le fruit d’un long travail d’identification mené auprès des entreprises. “Nous recevons des informations que nous collectons. Mais c’est surtout nous qui allons à la pêche. Nous visitons notamment des salons où les gens viennent exposer leurs produits. Nous récoltons les fiches techniques des matériaux et les évaluons. Nous regardons leur composition, s’ils sont concernés par une filière de recyclage”, explique Jacques Rouge. Le cofondateur de l’Amat note d’ailleurs à ce propos que la matériauthèque bénéficie depuis quelques années d’une plus grande transparence dans le domaine de la réalisation de décors : “Nous ne connaissons pas toujours les matériaux que les professionnels utilisent. Autrefois, beaucoup gardaient pour eux les informations concernant leur composition. C’est moins le cas désormais”.

Cette expertise permet à l’Amat de revendiquer plusieurs milliers de connexions par mois sur son site web. “Nous avons battu un record de connexions en décembre 2021 avec plus de 4 000 visites”, atteste Jacques Rouge. Des adhérents aux profils divers : “Certains adhèrent à titre individuel mais d’autres sont des sociétés, des collectivités ou des organisations professionnelles. Ces structures disposent de codes d’accès qu’elles diffusent auprès de leurs membres, de leurs employés ou de leurs agents”, poursuit-il.

Label Prestadd

Label Prestadd

Former à l’écoresponsabilité

Les professionnels affirment de plus en plus leur volonté d’accéder à des informations fiables en matière d’économie circulaire et d’impact des matériaux sur l’environnement. “Un mouvement de fond s’est clairement mis en place concernant l’écoconception, avant la crise sanitaire. Puis, durant cette période de pandémie, beaucoup d’entreprises du spectacle se sont aussi penchées sur ce sujet”, témoigne Philippe Abergel, délégué général du Synpase. “Une partie de nos adhérents travaille dans ou avec des ateliers de décor, dans la fabrication de stands. Ce sont des gens qui peuvent donc être utilisateurs de l’Amat”, poursuit-il. Tout en précisant que l’adhésion du Synpase à l’Association s’inscrit plus largement dans la démarche du Syndicat en direction du développement durable. “En 2011, le Synpase a monté Prestadd, un label axé sur le développement durable et la RSE (Responsabilité sociale des entreprises), destiné aux entreprises du spectacle et de l’événementiel (voir l’encadré). Nous avons alors logiquement travaillé avec les personnes qui ont créé l’Amat, citée d’ailleurs comme site ressource en matière de solution d’écoconception, dans le référentiel du label”, complète Philippe Abergel.

Fort de leur expertise patiemment engrangée, les animateurs de l’Amat ne se contentent pas de mettre à jour leur banque de données et leurs fiches (ce qui est d’ailleurs déjà particulièrement chronophage). Ils dispensent également des formations et des actions de transmission auprès d’étudiants et de professionnels. “Nous avons des partenariats avec des écoles d’art. Nous organisons des conférences à l’École Boulle, l’École Estienne, ou encore Olivier de Serres. Nous proposons aussi des formations à des personnes voulant changer d’orientation et se former au développement durable, par exemple avec une structure comme La Villette Makerz (espace de coworking et ateliers créatifs dépendant du Parc de La Villette à Paris)”, illustre Jacques Rouge. Par ailleurs, comme l’indique aussi l’Amat sur son site Internet, une autre mission de la structure est de “faire connaître les réglementations en vigueur en matière d’environnement, les lois et les décrets promulgués sur le sujet en partenariat avec l’Institut de l’économie circulaire” et d’identifier “les éco-organismes et filières de collecte pour une traçabilité optimum”. Car autant que des matériaux bien réels, l’écoconception est une démarche reposant sur des moyens permettant d’optimiser la gestion des cycles de vie des matières et des objets.

 

 

Prestadd : un “éco-label” pour le spectacle et l’événementiel

Une quarantaine d’entreprises a reçu le label Prestadd depuis sa création en 2011. Une certification mise sur pied par le Synpase pour guider les prestataires de service du spectacle et de l’événementiel dans leur volonté de mieux maîtriser leurs impacts environnementaux ; et ce alors que ces démarches font partie des attentes fortes des organisateurs de manifestations, des financeurs et des publics. “Nous avons mis en place un groupe de travail pour aboutir à cette labellisation. Avant cela, nous avons regardé ce qui existait à destination de nos métiers en matière de labellisation. Il nous est apparu que les normes ISO, par exemple, n’étaient pas adaptées à notre secteur d’activité et aux PME qui l’animent”, décrit Philippe Abergel,  délégué général du Synpase.

Accompagner les entreprises dans leurs démarches

Le label a pour objectif d’offrir un cadre aux postulants. “Les chefs d’entreprises du secteur sont souvent des techniciens qui ont monté leurs propres structures et qui n’ont pas le loisir de faire de la veille juridique sur la RSE. Nous avons donc créé cet outil simple et pratique pour qu’ils puissent s’emparer de ces sujets et ainsi pouvoir les accompagner dans leurs engagements”, poursuit le représentant du Syndicat. Le label est attribué pour quatre ans, après examen d’une commission composée de trois collèges (collège de structures déjà “labellisées”, collège de “donneurs d’ordre” et collège d’“experts”). Au bout de deux ans, les entreprises labellisées font l’objet d’un audit intermédiaire par l’organisme Ecocert Environnement, permettant d’évaluer la progression de la structure engagée. Le processus de labellisation s’appuie sur un référentiel composé de trois volets : environnemental, social et économique. 200 à 250 questions sont posées aux candidats qui doivent réunir au moins 50 % de réponses positives, sur des sujets aussi divers que les politiques d’achat, les écogestes, la sensibilisation des salariés ou encore l’égalité femmes-hommes.

Le coût de la démarche est progressif en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise : 150 € par an pour un CA de moins de 300 000 €, 300 € pour un CA situé entre 300 000 € et 1 M€…  Mais pour Philippe Abergel, les gains apportés par Prestadd sont tangibles. “L’un des avantages du label est de pouvoir répondre aux exigences des clients et de pouvoir remporter plus aisément des appels d’offre”, assure-t-il. “Cela permet de formaliser les choses et d’être en adéquation avec ce qui est attendu de la part des entreprises ; et ce d’autant plus que le label est connu et considéré comme probant.

 

Renseignements : contact@prestadd.fr / 01 42 01 85 35 / www.prestadd.fr

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