“Quand les sabres sont rouillés et les bêches luisantes, les prisons vides et les greniers pleins, les degrés des temples usés par la marche des fidèles ; quand les cours des tribunaux sont couvertes d’herbes, que les médecins vont à pied, les boulangers à cheval, et qu’il y a beaucoup d’enfants, c’est que l’empire est bien gouverné.”
Proverbe chinois
De la famille à l’entreprise
Le parcours formateur
André Zagury a obtenu une maîtrise en Mathématiques et en Physique, à Orsay et Paris VII. Initialement, il souhaitait se destiner à l’enseignement. Mais en même temps qu’il terminait ses études, en 1976, il commença à travailler à mi-temps chez Cineco, une entreprise que son père, Armand Zagury, avait repris avec André Tolédano en 1969. André y travailla comme représentant commercial sur la banlieue parisienne.
André Zagury : “Au bout d’un an, j’étais à temps complet. C’est lié au fait que : ‘Est-ce que nous sommes formatés pour faire des choses à moitié ?’ Je suis devenu dirigeant chez Cineco. Adieu les maths et la physique. Les études permettent d’avoir une tête bien faite et pas seulement une tête bien pleine !”
Dans une entreprise familiale, il y a forcément toujours quelque chose à faire si on a envie de le faire. Donc, la carrière professionnelle d’André s’est principalement déroulée au sein de Cineco, société couvrant les domaines de l’audio au sens large : la Hi-Fi, les produits d’électronique embarqués et l’audio pro. En 1998, Cineco a arrêté la Hi-Fi et une filiale spécialement dédiée au car audio a été créée. En 2003, la société Shure (90 % des revenus de Cineco) a pris la décision de modifier son mode de distribution et de changer de distributeur en France. Cineco fut obligée de cesser ses activités car conserver une structure similaire n’était pas faisable malgré les tentatives de remplacement par quatre ou cinq marques en vue. Cela était trop incertain en termes de réussite.
André Zagury : “En 2003, j’ai été le fédérateur de la reprise de SCV Audio et de Audiopole, avec comme dirigeants Pascal Briam et Bruno Bertrand, pour permettre à ces deux entreprises de sortir de l’administration judiciaire dans laquelle elles se retrouvaient et d’espérer un avenir. J’étais le fédérateur à la fois des dirigeants des entreprises et des moyens afin de permettre la continuation des activités et la séparation des deux entreprises, dans un second temps – les deux sociétés appartenaient à SCV International.”
Audiopole et ses tumultes
André Zagury est resté actionnaire exclusivement d’Audiopole et ce depuis plus de dix ans. Pendant cette période, il a implanté Tivoli Audio, une marque de petites radios design et de qualité. Ces postes de radio FM étaient utilisées par tout le monde. Ce fut aussi un moyen pour rester proche des domaines de l’audio et de la Hi-Fi. En 2014, il a décidé d’arrêter la distribution de cette marque.
André Zagury : “L’année 2014 a aussi été une année difficile pour Audiopole en termes de réalisation de CA. La société a enregistré des pertes conséquentes. Il y avait une urgence de reformater Audiopole pour pouvoir s’adresser au marché en tenant compte de l’évolution de la distribution. C’est donc cette mission qui m’a été confiée par les actionnaires au mois de mai 2015.”
Aux dires de André Zagury, la distribution audio pro s’est, au cours des dix dernières années, considérablement modifiée. Ces changements viennent en particulier de la part des fabricants. Ceux-ci cherchent exclusivement à écouler leurs produits sur le marché sans se soucier d’une stratégie ou d’une politique marketing venant de la part du distributeur. Les usines fabriquent toujours plus de produits et les habitudes d’achat ont évolué.
André Zagury : “Aujourd’hui pour certains fabricants, les sociétés de distribution ne sont plus que des ‘stocking partners’. En résumé, nous devons faire en sorte que le produit arrive au client le plus vite, le plus facilement possible et le moins cher possible… Ceci veut dire que ces fabricants là souhaiteront s’adresser bientôt en direct au marché.”
Audiopole : les nouvelles voies
“Reformater” et “réorienter” Audiopole, le chantier a commencé : l’effectif du personnel est passé de 45 à 36 personnes en six mois car il y avait une nécessité de réduction des charges de l’entreprise, le schéma datait. En même temps, les efforts vers les fabricants, qui considèrent avoir besoin d’un distributeur fort et stable, se sont raffermis avec Beyerdynamic, Clear-Com, Studer, Rane, Genelec, … Ce sont des entreprises avec qui il y a cette connivence d’un développement d’utilisation des produits, de connaissances des produits de la part des utilisateurs finaux, d’un support qui leur est amené et donc par voie de conséquence un business qui se fait.
André Zagury : “La structure était devenue trop importante par rapport aux ressources. Il y a eu nécessité de la réduire globalement et de faire un choix sur les partenariats que nous avions car nous devions être en osmose avec nos fournisseurs. Depuis le 1er janvier 2016, nous distribuons l’ensemble des produits Beyerdynamic, y compris les casques haute-fidélité. Cela correspond à un désir de Beyerdynamic d’avoir un seul distributeur pour l’ensemble de ses produits dans un pays. Et dans la mesure où nous visons une clientèle de revendeurs spécialisés, c’est très proche de ce que nous construisons quotidiennement dans le domaine audio professionnel.”
Les réseaux, toujours les réseaux
À l’époque de Cineco, époque à tendance plus solidaire, André Zagury a consacré du temps pour la profession au sens large. Que ce soit dans des discussions avec les pouvoirs publics par rapport à des questions de réglementation, par exemple sur les systèmes HF, que ce soit avec les acteurs du métier que pouvaient être les organisateurs de salons, d’événements, … danse le but que le métier soit actif et attractif pour inciter de nouveaux entrants, que ce soit en collaboration avec le Synpase pour soutenir les clients, les prestataires et les utilisateurs des produits dans l’évolution de la qualité de leur formation.
André Zagury : “Il y a trente ans, il y a eu l’APA (Association des professionnels de l’audio) et nous avions un salon, le CTEAP (Convention des techniques électroacoustiques professionnelles). Aujourd’hui, il reste assez peu de gens prêts à consacrer du temps aux autres et à la profession en général. Néanmoins, il reste des syndicats professionnels actifs et n’oublions pas que ce sont les interlocuteurs des pouvoirs publics. Audiopole est adhérente de la SEINEP (Syndicat des entreprises internationales de négoce en électronique professionnelle) et a toujours été active dans les sphères syndicales professionnelles. Je pense qu’il est nécessaire pour les entreprises de prestation d’être affiliées au Synpase (Syndicat national des prestataires de l’audiovisuel scénique et événementiel). C’est indispensable qu’une association donne à la fois des règles, de la formation mais aussi un label, qui va servir de caution aux entreprises. Mais ce n’est pas pour autant que ce label permettra à ces entreprises, à ces prestataires de travailler plus facilement.”
La distribution & les partenariats en région
La France métropolitaine a cette particularité, au niveau européen voire mondial, d’avoir un énorme réseau d’installateurs et de prestataires de services disséminés sur tout le territoire qui, pour la plupart, sont des petites entreprises.
André Zagury : “En 2016, je considère que cette relation est une priorité. Audiopole travaille, pour 80 % de son CA, avec des personnes qui apportent une valeur ajoutée, un service complémentaire à la vente du produit. C’est le cas pour tout installateur. C’est le cas des prestataires qui utilisent nos produits et les vendent. Donc, une société comme Audiopole, aujourd’hui, ne peut que travailler par l’intermédiaire de ces professionnels : intégrateurs, prestataires de services mais aussi des entreprises qui ont leurs intégrateurs en interne comme Radio France, France Télévisions, Canal +, …”
Les métiers
Pour notre hôte, un intégrateur est celui qui met le produit en interface avec un ensemble d’autres produits, matériels pour une utilisation donnée. Quelqu’un qui équipe un car video ou une salle de réunions, c’est un intégrateur. En amont, il y a les bureaux d’études qui vont intervenir pour créer les recommandations, pour que les produits soient dans les cahiers des charges. Les intégrateurs vont récupérer les appels d’offres, les affiner et proposer les produits.
André Zagury : “Nous sommes à un moment charnière, dans le métier il y a beaucoup d’acteurs formés sur le tas partant à la retraite donc beaucoup de sortants. Mais il y a des nouveaux entrants au niveau des utilisateurs son, avec l’énorme différence qu’ils ont reçu des formations, parfois nombreuses. Ils arrivent avec un bagage et des exigences précises quant à leur travail. C’est également le cas dans les domaines commerciaux et la gestion d’entreprises. Cela aura forcément un énorme impact qui est déjà perceptible.”
Audiopole en 2016
Peut-on dire que la plus grande nouveauté chez Audiopole c’est André Zagury ?
André Zagury : (rires) “La nouveauté, c’est un changement d’état d’esprit : nous avons déjà remis le client au centre, il est l’élément principal de notre entreprise. Audiopole doit avoir comme missions d’être le relais et l’interprète français d’un marketing de marques. Mais il doit aussi posséder son SAV et son accompagnement des bureaux d’études, des installateurs, des prestataires. C’est indispensable, la réussite ne passera que par là.”