“Je patine vers l’endroit où le palet va être, et non vers là où il a été.”
Wayne Gretzky
Business is Business
Une clarté dans une vision d’avenir
Après le Bac, Alain Richer entre dans une école d’ingénieur d’électronique, l’ESME à Paris. Après ce diplôme, il accède à l’IAE (Institut d’administration des entreprises) de manière à mieux s’imprégner d’une vision plus managériale et marketing de l’entreprise.
Plus récemment, entre 2000 et 2010, il a suivi une formation de niveau MBA (Master of Business Administration) dans une école allemande s’appelant GISMA Business School qui lui a donné une enseignement de plus haut niveau, avec des professeurs américains, tout en sachant que cet établissement jouissait d’une prestigieuse aura.
“Cela m’a donné une vision beaucoup plus internationale, managériale et stratégique. Cette formation continue était au départ une volonté personnelle de parfaire mes connaissances.”
Le groupe Sennheiser s’internationalise
En fait, à cette époque, Sennheiser a décidé de sélectionner un certain nombre de cadres, un peu moins de deux cents, pour plusieurs raisons : former des managers de haut niveau pour le futur et l’international. À l’époque, la grande majorité des élus avait une culture très cosmopolite puisqu’ils voyageaient énormément. Mais cette décision a donné aux sélectionnés une vision encore plus globale du business en général.
“Cela s’est révélé particulièrement utile cette année au 1er janvier, quand nous sommes devenus une structure complètement internationale. Aujourd’hui, j’ai un job européen. C’est un des rares qui le soit au niveau manager de haut niveau dans le groupe. La majorité des métiers de managers importants sont internationaux. Nous n’avons plus vraiment de structures réellement locales. Cette formation était prévue pour nous préparer à cela.”
Un parcours sans faille
Revenons un peu en arrière. Après avoir terminé son deuxième cycle de managing, Alain Richer avait déjà en tête une option de manager de société, quelque chose plus lié au business, même s’il était, à la base de sa formation, dans la technique. Déjà, il avait l’idée de monter sa société ou quelque chose en tout cas en relation avec le commerce.
L’audio n’effleurait pas encore son esprit, mais, technicien dans l’âme, Alain était passionné de son, d’audio, de musique. Il avait déjà construit une quinzaine de paires d’enceintes. L’audio, la Hi-Fi, le son, l’électronique liée à l’audio étaient déjà partie prenante de sa vie. C’était la passion du week-end.
“À l’époque, je m’intéressais également beaucoup à l’informatique ; donc j’ai commencé dans ce domaine dans une première société qui s’appelait à l’époque Tekelec. C’était un distributeur incontournable de composants électroniques et informatiques sur le marché français. Je m’occupais de la partie stockage de masse, tout ce qui permettait de stocker des données sur un ordinateur, soit sur des petits PC soit sur du matériel important. C’était en 1988 et j’ai vendu des disques durs pendant deux ans.”
Alain Richer voulait à l’époque évoluer vers une fonction marketing et chef de produit. Il est donc parti travailler chez Texas Instruments dans la division informatique mini computer.
“Très belle société américaine, grosse structure avec ses avantages et ses inconvénients. Je suis resté deux ans à vendre des mini-ordinateurs pour les PME. Cela me plaisait beaucoup car cela me permettait de voir le côté business et le côté gestion d’une société. J’étais toujours sur la même problématique !”
En 1992-1993, l’informatique a commencé à décliner tout doucement. En 1993, la crise économique frappe de manière très lourde et Texas Instruments décide de mettre en vente sa division, rachetée par HP. De son côté, Alain Richer considérait avoir fait un peu le tour de l’informatique, il lui manquait un côté passion. Et là, par le plus grand des hasards, il rencontra Claude Boileau qui était, à cette époque, dirigeant de Sennheiser France. Il recherchait quelqu’un pour vendre des systèmes de conférence, des systèmes ayant du réseau, de l’informatique dans leurs structures. C’est comme cela que Alain Richer a commencé, en 1992, chez Sennheiser France comme vendeur.
Step-by-step chez Sennheiser France
Pendant deux ans, Alain Richer est resté vendeur, tout en exerçant les fonctions d’ingénieur d’application pour les installations très importantes. Avec la mise en œuvre des travaux au Palais des Congrès de Paris, il a participé très activement à la création du département installation de Sennheiser France.
“Je me suis aussi rendu compte qu’il n’y avait pas assez de relations entre les filiales françaises et la maison mère allemande. J’ai donc proposé de créer le poste de chef de produit, qui n’existait pas.”
Alain Richer a été le premier chef de produit de Sennheiser France en 1994. À partir de ce moment, il mit en chantier un catalogue de solutions complètes pour la firme qui vendait des micros, mais il manquait des haut-parleurs, des amplificateurs, des tables de mixage, … À l’époque, tous les installateurs demandaient des solutions complètes et, grand paradoxe, Sennheiser France était un des plus gros clients de Bose France ! Avec l’accord de Claude Boileau, Alain Richer décida de chercher des marques de distribution pour Sennheiser France. C’est à ce moment-là qu’a commencé l’importation en France des haut-parleurs espagnols DAS Audio. Le travail d’Alain a évolué de chef de produit à manager d’une équipe de chefs de produit, à directeur produit. Sennheiser France s’est étoffé des marques importantes comme QSC, Apart, Tascam, … En 1994, la toute première a été DAS Audio, et pour les amplis, le choix s’est arrêté sur QSC. Ensuite s’est rajouté Apart car il était nécessaire d’avoir des petits produits pas chers, Made in China, mais de bonne qualité. Ces trois premières grandes marques ont poussé Sennheiser France dans le marché de l’installation, en particulier sur le marché français. Par la suite, tous les autres produits sont venus progressivement et le portefeuille est devenu trop important. Il a fallu en arrêter certaines comme DAS car QSC s’est mis à fabriquer des enceintes et cela n’avait pas de sens de garder trois marques d’enceintes.
“J’ai ensuite évolué vers une fonction de directeur marketing avec une demande expresse de gestion de la publicité (chose que je n’avais jamais faite). Donc je me suis retrouvé directeur marketing de la division professionnelle de Sennheiser France.”
Ensuite, l’entreprise a été réorganisée au niveau de tout le groupe Sennheiser. Il y a eu refonte des fonctions de direction des ventes et direction marketing de chaque division. Ainsi, chaque pays s’est retrouvé avec un directeur des ventes-marketing pour la division grand public et un directeur des ventes-marketing pour la division pro.
“En 2008, j’ai pris la direction professionnelle de Sennheiser France au niveau de la vente et du marketing.”
La transversalité européenne
Au cours de ces années, Sennheiser France était un peu un lieu d’expérimentation pour un fonctionnement nouveau sous le regard bienveillant de la maison-mère. Ce fut la première filiale de vente créée. Claude Boileau a convaincu Jörg Sennheiser de monter une filiale de ventes. À la fin des années 80’, Sennheiser est une société d’ingénieurs et de production qui a aussi monté une société de ventes, une approche complètement révolutionnaire. Le côté innovation que Claude Boileau a apporté dans le groupe Sennheiser a permis de créer un modèle. Sennheiser France a toujours été l’une des premières filiales en termes de CA dans le monde, pendant longtemps. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : Sennheiser Amérique est devenu leader, la Chine grandit chaque année et l’Allemagne est passée devant la France.
“Mais nous avons toujours été un laboratoire d’expérimentation. En fait, tous mes collègues des autres pays ont reproduit la même démarche qu’en France : quand je retrouve du Apart distribué par Sennheiser UK, cela me fait plaisir. Toutes les filiales se sont mises à distribuer d’autres marques, en particulier des enceintes et des amplificateurs.”
Quelques observations sur l’évolution des métiers
Sur ces quinze dernières années, Alain Richer remarque des évolutions certaines du métier audio se rapprochant beaucoup de son ancien métier. Il le perçoit clairement évoluer vers le monde de l’informatique et surtout se professionnaliser rapidement.
“Avant, c’était un monde peu organisé, pas structuré, pas très professionnel en termes de business. C’était un monde de passionnés. Cela se passait beaucoup au niveau du relationnel. Cela continue, mais c’est de moins en moins vrai. Les structures sont beaucoup plus professionnelles, classiques. Je vois que tout ce qui est réseau se développe très vite, même si nous en sommes au tout début de l’histoire. Je constate de plus en plus de câbles catégorie 5 dans les installations audio. Il en va de même dans l’évolution du business.”
Pour Alain Richer, il y a aujourd’hui une concurrence, un mélange complet des genres entre les intégrateurs IT informatique-télécom et les intégrateurs audiovisuels en général. Les deux mondes sont en train de se fondre. Les personnes du monde audiovisuel ont intérêt à se professionnaliser très rapidement car il y a une différence de taille entre le revendeur informatique et le revendeur audiovisuel.
“L’ISE est pour moi un salon moteur en Europe car la notion d’intégrateur est l’expression de la professionnalisation. Le mot ‘intégrateur’ est apparu dans les années 2000 lorsque l’on a compris que l’intégration des produits est faite pour une solution complète. Ce sont toutes ces sociétés qui étaient uniquement prestataires de services, location, … et qui ont monté un département intégration pour équilibrer leur business. Ce terme vient aussi de l’informatique.”
La professionnalisation du métier passe par des centres de formation et par de la formation continue. Tous les jeunes arrivant sur le marché sont globalement beaucoup mieux formés que dans les années 90’ quand Alain Richer a débuté. “Dans les années 90’, je rencontrais beaucoup de gens qui apprenaient sur le terrain mais le résultat était très inégal. Il y a eu aussi de gros efforts de la part des fabricants, les jeunes sont mieux formés. Il y a encore un petit déficit en ce qui concerne le business. Aujourd’hui, les gens, qui ont une société audiovisuelle en France, ne sont pas forcément très bien formés sur le plan business, marketing, prospection, ventes, gestion. Cela progresse mais c’est tout de même relativement lent. Les entreprises françaises dans notre domaine sont quand même trop fragiles et pas encore très structurées. Les moins structurées ont disparu mais ce n’est pas encore très professionnel par rapport à d’autres pays. J’ai un job européen donc je peux comparer.”
Et aujourd’hui ?
Alain Richer travaille au niveau européen. Il fait partie du Groupe Sennheiser avec un titre de Manager Europe Trade Marketing pour la partie professionnelle.
“Mon nouveau job consiste à supporter les ventes dans tous les pays européens, avec des actions marketing opérationnelles (salons, PLV dans les magasins, campagnes sur Internet, trainings, événements clients, séminaires). Tout ce qui permet de pousser les ventes au niveau des distributeurs. Mon département s’occupe aussi de tout ce qui est publicité, mais ce n’est pas notre fonction prioritaire. Les publicités arrivent maintenant directement du siège, des personnes qui lancent les produits. C’est à nous de les adapter pour les différents marchés. Je manage une équipe européenne de huit personnes. Et j’ai une ou deux dans chaque pays, selon la taille des filiales, qui supportent les ventes localement au niveau de ce marketing pour les revendeurs. L’équipe fonctionne de manière complètement européenne (pays scandinaves, Angleterre, Allemagne, Benelux, France et Suisse) et ce même si les personnes sont dans une structure locale. Je ne m’occupe pas encore du Middle East, je mets en place tout ce qui est le Nord de l’Europe et les Pays baltes.”