Du Danemark à la Moravie, en passant par la Chine
“Lorsqu’on emploie trop de temps à voyager, on devient enfin étranger à son pays.”
René Descartes
Préambule
Bruno Garros est originaire de Lourdes, du Sud-Ouest. Et c’est donc dans cette cité des miracles qu’il passa son Bac. Ensuite la capitale ! Il y passa cinq années et termina ses études dans une école de commerce, l’IFAG (Institut de Formation aux Affaires et à la Gestion).
Les premières expériences professionnelles
Son nom le prédestinait à voyager dans les airs ou slicer sur terre battue, mais son Bac + 5 en poche, Bruno Garros démarra dans le bâtiment, dans une entreprise suédoise nouvelle qui s’installait en France et qui lançait, à l’époque, le concept du revêtement de sol stratifié. Cette imitation parquet était une grande innovation pour une clientèle très large. Le poste que cette société lui proposait lui semblait intéressant. “Quand vous avez un Bac + 5, vous avez envie de faire du marketing, de participer à beaucoup de projets, …” Mais ce fut l’inverse ! “Le responsable à l’embauche m’a dit qu’avant de travailler dans les départements marketing ou management, je devais faire du ‘terrain’. J’ai donc passé deux ans à sillonner toute la Bretagne pour visiter des grossistes, agenceurs, architectes, menuisiers, artisans, … pour promouvoir le revêtement de sol stratifié.”
L’apprentissage fut très rapide et notre ami “prit de la bouteille” prestement, surtout quand il arriva en Bretagne en costume-cravate pour faire la promotion du produit ! “Aux niveaux professionnel et humain, j’ai beaucoup appris car j’étais face à des gens de métier et moi je débarquais tout juste de l’école !” Rapidement, Bruno Garros eut une promotion en devenant directeur de région. Au total, il resta quatre années dans l’entreprise suédoise.
Ensuite, il fut engagé dans une société danoise, fabricante de stores. Ce fut sa première expérience de management. “J’étais directeur commercial pour la France. Même si c’était une petite structure, je franchissais une étape en restant toujours confronté à la réalité. Mon directeur général était basé au Danemark ; donc j’avais un degré d’autonomie très important.” Bruno Garros fit cinq ans dans cette entreprise.
Ensuite, pour ne pas quitter l’esprit scandinave, il a été approché par un cabinet de recrutement spécialisé dans les entreprises nordiques. Il avait été mandaté par le groupe Martin qui cherchait quelqu’un pour prendre la relève de Monsieur Garnier, directeur de la société française SLD. Les Danois voulaient un profil nouveau —qui n’existait pas dans le métier— qui avait l’expérience de l’industrie, du management d’équipes commerciales et de la culture scandinave.
Le secteur du spectacle : Martin Professional
“Je me suis retrouvé en entretien pour le groupe Martin Professional. Il cherchait quelqu’un pour accompagner la croissance. Pour moi, c’était passionnant car c’était une expérience de directeur général, donc encore une nouvelle étape.”
Voilà comment à trente-cinq ans, Bruno Garros est apparu dans nos métiers, sans une motivation spéciale pour le secteur, mais pour le poste qui lui était confié. Après, il constata très vite que quand on entre dans ce métier, c’est difficile d’en sortir !
“Je suis resté dix ans directeur général pour la France. Nous avons développé la filiale significativement chaque année, nous sommes passés de 2 M€ à 12M€ une belle progression.”
En 2008, face à la situation de crise majeure rencontrée dans notre industrie, le groupe Martin Professional a décidé de se réorganiser en régions (région EMEA, Asie, …) et de recentraliser le pouvoir de décision au niveau du siège social au Danemark ; il n’y avait donc plus la nécessité d’avoir des directeurs généraux nationaux, et ces postes furent du reste supprimés.
“Martin Professional m’a proposé une reconversion à l’international. J’ai pris cela comme une belle opportunité. J’avais quarante-cinq ans, aucune expérience internationale, c’était donc le moment de la tenter. Je me suis retrouvé du jour au lendemain au siège social, au Danemark, avec comme affectation la responsabilité des distributeurs internationaux (sauf l’Asie). J’ai été nommé Vice-Président sales distributor, je m’occupais de toute la partie internationale hors filiales.”
Bruno Garros occupa cette responsabilité pendant quasiment cinq années et cela lui permit de voyager dans le monde entier, de comprendre le fonctionnement d’un siège social en étant au cœur du fabricant, de rencontrer des gens du R&D, du marketing, de la logistique, des finances… Avec ces nouveaux acquis, il développa des zones comme le Moyen-Orient et la Russie.
En 2013, Bruno Garros voulut faire un bilan personnel, réfléchir aux années écoulées et celles à venir, se remettre en question. Il sentait la nostalgie d’une direction d’une filiale, d’une équipe à taille humaine l’envahir. Il avait aussi très envie de quitter le côté “politique” du siège social. En arrivant à cette conclusion, il s’en alla de Martin Professional en très bons termes.
APG & Robe France
“J’ai travaillé pendant un an et demi en tant que consultant pour APG. Le développement de cette société passait par l’international, cela m’obligeait à nouveau voyager dans des pays où la notoriété de la marque était moins importante, principalement en Asie.”
En novembre dernier, Bruno Garros eut son premier contact avec la direction de Robe Lighting, qui voulait démarrer une filiale en France. “Nous avons programmé un rendez-vous le 18 novembre avec la direction générale et en quelques heures, nous nous sommes mis d’accord.” Bruno Garros avait le profil que Robe Lighting cherchait, il était tout de suite opérationnel, motivé et n’avait pas de clause de non-concurrence ; de plus, il voulait travailler pour le marché français.
“C’était le projet dont je rêvais, puisque je revenais dans le domaine de la lumière avec une équipe et une organisation à mettre en place. J’étais là au bon moment.”
Bruno Garros est reparti ce jour-là avec une promesse d’embauche et début décembre, il commença à rechercher des locaux pour l’entreprise.
Un parcours international peu commun
Peu de chefs d’entreprise ont des parcours aussi internationaux, aussi riches et variés que Bruno Garros. D’autant plus, qu’il a bien connu le marché français vers 1990 avec l’arrivée de gammes de projecteurs asservis. Il fut aussi un attentif observateur de la particularité du marché français par rapport aux autres marchés européens.
En premier lieu, Bruno Garros considère que la France est le pays des prestataires de services. Il y a un nombre d’entreprises avec un CA au delà de 10, 15 ou 20 M€ bien plus important qu’ailleurs. En Europe, il y a quelques très importantes sociétés par pays mais le nombre est très inférieur à la France. Ici, elles sont réparties sur l’ensemble du pays. Ensuite, les sociétés sont très “généralistes” en France. Elles sont aussi bien spécialisées en lumière, en audio ou en scénique.
“Je pense que la raison est culturelle et économique. Il faut que le prestataire soit capable de proposer une offre de produits la plus large possible, un package global. Quand je les rencontre, étant très souvent sur le terrain, c’est extrêmement rare qu’ils me répondent que leur stratégie est concentrée uniquement sur tel ou tel segment de marché.”
Le savoir-faire français
“Avec mes collègues à l’étranger, quand je leur parle de salons locaux, de syndicats professionnels, de normes, dans beaucoup de pays il n’y a rien de cela. En France, en vingt ans, tout a beaucoup évolué. Les sociétés de prestation de services ont une haute tenue des entrepôts, de la gestion des stocks, de l’analyse des retours sur investissements, des règles de sécurité, de l’organisation, du professionnalisme en général, … Je vois des évolutions énormes et aussi dans les mentalités des chefs d’entreprises.”
Malgré tout, Bruno Garros constate aussi des faiblesses. Le technicien français s’exporte mal quand on voit ses qualités professionnelles et son niveau. L’explication basique est sans doute le fait que le Français ne fait pas bon ménage avec les langues étrangères. “Le nombre de gens que je côtoie en France, qui ont du talent mais qui ne parlent pas anglais ! C’est une barrière forte. Que ce soient des pupitreurs ou des lighting designers.”
Les connaissances techniques sont très élevées. Il n’y a qu’à voir la qualité des installations et des spectacles. “Nous n’avons rien à envier à ce qui se fait à l’étranger, bien au contraire. Le niveau des techniciens français est très élevé. Quand j’écoute les questions qu’ils ont vis-à-vis des fabricants sur les développements produits ! Ce sont des gens passionnés et créatifs.”
Pourquoi Robe France ?
“La principale préoccupation de Robe Lighting, c’est le réseau des distributeurs. Il y a peu de filiales dans le monde. Le business model de Robe Lighting est la création de structures avec des distributeurs exclusifs. Robe Lighting travaille dans la proximité, les distributeurs viennent très régulièrement à l’usine, Josef Valchar, président de Robe Lighting voyage énormément et visite également les distributeurs. C’est la spécificité de Robe Lighting. Pour la France, la décision de création d’une filiale est venue pour la simple raison que le distributeur, Axente, a dans son environnement une marque, Ayrton, avec laquelle nous sommes concurrents en France mais également à l’international. Nous avons des produits destinés aux mêmes types de clientèle, au même marché. Donc à un moment donné, cela devient un peu compliqué, même si chacun garde son éthique. Cette discussion a été engagée avec Axente depuis deux ans. L’année dernière, il y a eu une négociation pour un arrêt de la distribution dans les douze mois à venir. Ce qui a un peu perturbé le marché, c’est que Robe Lighting pensait trouver quelqu’un et organiser sa filiale plus rapidement, mais l’histoire s’est déroulée différamment.”
La clientèle actuelle de base, pour Robe France, est principalement les prestataires et les installateurs. L’installation pérenne est très importante car Robe a compris l’évolution des mentalités des régisseurs des lieux et propose une gamme adaptée pour chaque demande. C’est la mise en évidence du savoir-faire des produits Robe Lighting. Les installateurs et les prestataires sont au même niveau d’intérêt.
L’objectif de Robe France, à moyen-terme, est d’installer la marque dans le paysage français. “J’ai beaucoup de respect pour le travail qui a été réalisé par Axente. Cela permet aujourd’hui à la filiale d’avoir un courant d’affaires régulier et quand même de lancer la filiale plus facilement. Tout ce travail de fond qui a été fait est là. Tous les clients, qui achetaient Robe antérieurement, se retrouvent chez nous. En parallèle nous avons également approché avec succès un segment de clientèle comme les lighting designers et prestataires phares du marché qui sont, par définition, généralement moins accessibles par un distributeur.”
L’équipe de Robe France
L’équipe commerciale est constituée de deux personnes, pour le moment. “Par contre là, j’ai fait un choix très précis sur leurs profils et cela va plutôt à l’encontre de la concurrence : c’est sans doute mon expérience qui m’a permis de changer de vision sur les commerciaux de notre secteur d’activité, ceux qui sont en contact avec les clients. Ce ne sont pas des purs commerciaux. Ce sont des personnes issues du métier qui savent parler de la lumière car ils l’ont utilisée, ils ont eux-mêmes exploité les produits. Et c’est pour cela que nous avons changé leur titre. Pour moi, ce sont des ingénieurs technico-commerciaux parce qu’ils ont le niveau pour cela. Par exemple, la personne qui s’occupe de la moitié Nord de la France, Kevin, a été formateur pour une marque leader de console lumière pendant quatre ans, a démarré sa carrière avec la responsabilité d’un show-room d’un distributeur et il a aussi réalisé de la prestation. Idem pour Franck, responsable de la moitié Sud de la France qui a une énorme expérience d’exploitation sur le marché de la télévision.”
Aujourd’hui, l’équipe est très légère, avec six personnes en fixe, complémentaire et très expérimentée dans leurs domaines de compétences. Il y a donc deux ingénieurs technico-commerciaux, une assistante, un responsable SAV, un directeur financier et Bruno Garros qui a un rôle de dirigeant et, à 80 %, de commercial. La communication est confiée à Jonathan Grimaux, consultant extérieur. Enfin, deux partenaires techniques (un au Sud et l’autre au Nord) s’occupent de la gestion du SAV, et la société KNS Lease gère les financements. C’est donc dix personnes qui sont vraiment impliquées au quotidien et apportent leur expertise à la marque Robe.